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ORDONNANCE PO-2696

 

Appel PA-050275-1

 

Commission de la sécurité professionnelle

et de l’assurance contre les accidents du travail


NATURE DE L’APPEL

 

Une personne a demandé à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) l’accès aux renseignements suivants en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée  (la « Loi  ») :

 

… je demande accès à mon information sur cassette et en français fondé sur mes handicaps.

 

Je demande accès à mon dossier en référence du début en 1989 à la décision de Mme Hocko le 28 janvier 1998.

 

Je ne suis pas satisfait que Mme Hocko a utilisé tout mon information pour en arrivé a sa décision ou que l’information qu’elle a utilisé est toute la mienne.

 

Je ne peux pas accepter votre demande d’accès pour la période en question pour les raisons suivantes :

 

1.      Le 11 février 1999, dans le but de résoudre votre plainte à la Commission ontarienne des droits de la personne, vous avez signé un accord dans lequel la CSPAAT vous donnait accès par enregistrement audio aux documents écrits créés par la CSPAAT à partir du 11 février 1999, relatifs à vos appels et qui font partie de votre dossier.  La CSPAAT a signé l’accord avec vous en bonne foi.  Votre demande d’accès pour les années 1989 à 1998 est donc contraire à notre accord.

 

2.      Je peux confirmer que toute l’information à votre dossier vous appartient.  Vos constantes demandes et plaintes auprès de la CSPAAT et d’autres agences du gouvernement exigent que votre agente d’indemnisation fasse une revue de votre dossier régulièrement.  Mme E. Baldari connaît bien votre dossier et elle est certaine que toutes les décisions rendues dans le cadre de votre dossier ont été basées sur l’information vous concernant.

 

3.      Je considère que vous n’agissez pas en bonne foi pour plusieurs raisons, dont les suivantes :

 

-          Lors d’une de nos conversations téléphoniques, vous avez dit que la vraie raison de cette demande est d’épuiser la CSPAAT pour que nous engagions un avocat pour vous représenter, comme l’a fait le TASPAAT [le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail] et en appeler de la décision de Mme Hocko, ce que la CSPAAT et le TASPAAT avaient refusé de faire.

 

-          Vous continuez de poursuivre les mêmes demandes, plaintes et appels auprès de différents bureaux et agences du gouvernement, de votre député provincial etc., sans toutefois leur fournir l’information nécessaire.  Par exemple, le 16 août dernier, trois représentants de la CSPAAT, soit deux directeurs et un avocat, vous ont rencontré au bureau de la Commission des droits de la personne à Ottawa.  Lors de cette réunion, vous avez admis que vous avez reçu accès au dossier en français et sur cassette en vertu de la [Loi ], contrairement à ce que vous aviez indiqué dans votre plainte.  Lors de cette rencontre, vous vous êtes entretenu sans difficulté en anglais et n’avez pas eu besoin de l’interprète que vous aviez demandé.  En fait, vous avez l’habitude de discuter de votre dossier avec votre agent en anglais et, plus récemment, de lire des documents en anglais lors d’une conversation téléphonique.  Il semble aussi que vous ne demandez pas de recevoir vos communications de toutes les autres agences gouvernementales sur cassette.

 

-          Enfin, vous avez refusé de nous retourner un document qui ne vous appartient pas.

 

La CSPAAT a fournis des copies de votre dossier à vous et vos représentants …

 

L’auteur de la demande (désormais l’appelant) a interjeté appel de la décision du CSPAAT devant le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP), qui a nommé un médiateur en vue d’aider les parties à résoudre les questions visées par l’appel. 

 

Ces questions n’ayant pu être réglées pendant la médiation, le processus d’appel est passé au stade de l’arbitrage. Pour commencer, j’ai envoyé à la CSPAAT un avis d’enquête exposant les faits et les questions faisant l’objet de l’appel, en l’invitant à fournir des observations écrites. La CSPAAT a fourni de telles observations en langue anglaise.

 

L’appelant a demandé à ce que la correspondance et les décisions du CIPVP en ce qui concerne cet appel lui soient envoyées en français sur cassette audio. Le CIPVP a traduit les observations de la CSPAAT en français et les a fait enregistrer, de même que l’avis d’enquête, sur cassette audio. J’ai ensuite fait parvenir cette cassette à l’appelant et je l’ai invité à présenter des observations sur toutes les questions soulevées dans l’avis d’enquête et à répondre aux observations de la CSPAAT.

 

L’appelant a fourni au CIPVP des observations consistant en une lettre d’une page, plusieurs documents joints et une cassette audio. Dans sa lettre, l’appelant précise que sa réponse aux questions soulevées dans l’avis d’enquête est fournie sur cette cassette. 

 

J’ai tenté d’écouter la cassette de l’appelant, mais son contenu était inaudible. J’ai donc demandé à une agente d’arbitrage de communiquer avec l’appelant par téléphone pour lui demander de présenter une version audible de la cassette, ou encore le texte écrit utilisé par la personne qui avait enregistré ses observations.

 

L’appelant a dit à l’agente d’arbitrage qu’il avait déjà fait ses observations et qu’il ne présenterait pas d’autre cassette. Plus tard pendant la journée, il a laissé un message dans la boîte vocale de l’agente réitérant son intention de ne présenter aucune autre observation.

 

Par souci d’équité, j’ai décidé de donner à l’appelant une autre occasion de présenter une cassette audible. Je lui ai envoyé une lettre sur cassette audio, en français, expliquant que la cassette qu’il avait présentée en réponse à l’avis d’enquête était inaudible. Je lui ai donné deux semaines pour soumettre au CIPVP de nouvelles observations, sur cassette audio ou par écrit. 

 

En réponse à ma lettre, l’appelant a envoyé par télécopieur au CIPVP deux lettres dans lesquelles il affirme, entre autres choses, qu’il avait écouté une copie de la cassette audio fournie au CIPVP, et que cette copie fonctionnait correctement. Il n’a pas présenté cette cassette au CIPVP. Cependant, son deuxième envoi par télécopieur comprenait une lettre de quatre pages qui énonce son point de vue sur certaines questions en litige dans cet appel. Cette lettre n’était pas incluse dans les documents que l’appelant avait envoyés en réponse à l’avis d’enquête qui lui avait été remis. Je considère donc cette lettre de quatre pages, ainsi que les autres documents que l’appelant avait déjà envoyés au CIPVP, comme étant ses observations aux fins de cet appel.

 

Dans sa lettre de décision, la CSPAAT soutient que l’appelant n’a pas présenté sa demande de bonne foi, et qu’il l’a fait pour un motif autre que celui d’obtenir l’accès à des renseignements. L’alinéa 10 (1) b) confère aux institutions un mécanisme sommaire pour traiter les demandes frivoles ou vexatoires. En outre, l’article 5.1 b) du Règlement 460 oblige la personne responsable à conclure qu’une demande d’accès à un document ou à des renseignements personnels est frivole ou vexatoire si cette personne est d’avis, fondé sur des motifs raisonnables, que la demande a été faite de mauvaise foi ou à des fins autres que l’obtention de l’accès.

 

Je n’ai pu déterminer si la CSPAAT soutenait effectivement que la demande de l’appelant était frivole ou vexatoire. La lettre de décision de la CSPAAT contient un énoncé semblable aux motifs figurant à l’article 5.1 b) du Règlement 460, mais ni cette disposition ni l’alinéa 10 (1)  b) de la Loi  n’y sont expressément mentionnés. J’ai donc remis à la CSPAAT un avis d’enquête supplémentaire l’invitant à fournir des observations sur la question de savoir si la demande de l’appelant est frivole ou vexatoire et si l’appel qu’il a interjeté devant le CIPVP représente un recours abusif. En réponse à cet avis, la CSPAAT a fourni des observations supplémentaires dans lesquelles elle affirme que la demande de l’appelant ne lui apparaît pas frivole ou vexatoire et que l’appel qu’il a interjeté ne représente pas un recours abusif. Je n’aborderai donc plus cette question.

 

DOCUMENTS

 

Les documents en cause dans cet appel sont ceux qui ont été versés au dossier de l’appelant à la CSPAAT du début de 1989 au 28 janvier 1998.

EXPOSÉ

 

MODE D’ACCÈS; FORME INTELLIGIBLE

 

Principes généraux

 

Le paragraphe  47 (1)  de la Loi  confère aux particuliers le droit d’accéder aux renseignements personnels les concernant dont une institution a la garde. L’article 49 prévoit un certain nombre d’exceptions à ce droit.

 

Lorsqu’une institution décide d’accorder l’accès à ces renseignements, les paragraphes 48 (3) et (4) énoncent la façon dont cet accès doit être accordé. Ces dispositions sont libellées comme suit :

 

            Mode d’accès

 

(3)        Dans le cas du particulier à qui est accordé l’accès aux renseignements personnels exigés en vertu du paragraphe (1), et sous réserve des règlements, la personne responsable :

 

a) ou bien permet au particulier de les consulter;

 

b) ou bien lui en fournit une copie.

          

Forme intelligible

 

(4)         La personne responsable veille à ce que les renseignements personnels soient communiqués, le cas échéant, au particulier sous une forme intelligible et d’une façon qui permet de connaître les conditions générales de leur stockage et de leur utilisation.  [Les italiques sont de moi.]

 

Par conséquent, je dois déterminer si le paragraphe 48 (3)  ou (4)  de la Loi  oblige la CSPAAT à fournir à l’appelant les renseignements se trouvant dans son dossier et correspondant à la période précisée dans sa demande, sous forme de cassette audio enregistrée en français.

 

Ordonnances antérieures

 

Au fil des ans, le CIPVP a rendu plusieurs ordonnances qui ont nécessité l’interprétation des paragraphes 48 (3) et (4) concernant des demandes présentées par des personnes handicapées en vue d’accéder aux renseignements personnels les concernant sous une forme adaptée à leur handicap. Par exemple, les ordonnances P-540 et PO-2424 ont trait à des demandes de particuliers handicapés qui voulaient obtenir l’accès à des documents contenant des renseignements personnels les concernant et dont une institution avait la garde. À mon avis, il est utile de résumer les raisonnements retenus dans ces deux ordonnances en vue de résoudre les questions visées en l’espèce.

 

Ordonnance P-540

 

Le ministère des Services sociaux et communautaires (le « ministère ») avait reçu une demande en vertu de la Loi  d’une personne qui voulait obtenir deux copies de son dossier de réadaptation professionnelle pour la période s’échelonnant du 22 novembre 1982 au 6 novembre 1992. L’auteur de la demande, qui avait une déficience visuelle, avait demandé une copie de format ordinaire et une copie en caractères gras de 24 points.

 

Le ministère a fourni à l’auteur de la demande une copie de son dossier imprimée en caractères ordinaires, mais a refusé de lui remettre une seconde copie en gros caractères. L’auteur de la demande a interjeté appel de cette décision devant le CIPVP.

 

Irwin Glasberg, ancien commissaire adjoint, a jugé que la disposition pertinente de la Loi  était le paragraphe 48 (4) , qui oblige l’institution à veiller à ce que les renseignements personnels soient fournis au particulier sous une forme intelligible. Il a donc cherché pour commencer à déterminer si le paragraphe 48 (4) obligeait le ministère à fournir à l’appelant les renseignements personnels le concernant en caractères gras de 24 points.

 

Dans son analyse, l’ancien commissaire adjoint Glasberg mentionne une ordonnance antérieure rendue par l’ancien commissaire Sidney Linden qui aborde le sens de l’expression « forme intelligible » du paragraphe 48 (4). Dans l’ordonnance 19, le commissaire Linden a jugé que le paragraphe 48 (4) impose le devoir de s’assurer que le commun des mortels peut comprendre les documents, sans toutefois obliger l’institution à évaluer la capacité de l’auteur de la demande de comprendre un document précis.

 

L’ancien commissaire adjoint Glasberg s’est dit d’accord avec l’idée que le terme « comprehensible » de la version anglaise de la Loi  (« intelligible » en français) doit être interprété selon une norme objective, puis il a appliqué ce principe à l’appel dont il avait été saisi :

 

[Traduction]  Le ministère a fourni à l’appelant une copie de son dossier imprimée en caractères ordinaires; pour le commun des mortels, les renseignements auraient été intelligibles. Si l’on se fonde donc sur une norme d’interprétation objective, il en résulte que le ministère a bel et bien fourni les renseignements sous une forme intelligible au sens du paragraphe 48 (4)  de la Loi . Il découle de cette proposition que le ministère (ou une autre institution) n’est nullement tenu en vertu de la Loi de fournir aux personnes ayant une déficience visuelle des renseignements personnels sous une forme qui leur conviendrait mieux.

 

L’ancien commissaire adjoint Glasberg a ensuite déterminé si le CIPVP devait interpréter les dispositions du paragraphe 48 (4)  de la Loi  conformément aux principes énoncés à l’alinéa 11 (1)  a) du Code des droits de la personne  de l’Ontario  (le « Code  ») :

 

[Traduction]  Je dois déterminer d’emblée si le Bureau du commissaire a le pouvoir d’appliquer l’article 11  du Code  à l’interprétation du paragraphe 48 (4)  de la Loi . Mes réflexions sur cette question s’appuient sur deux facteurs. Premièrement, le Code  est une loi réparatrice à laquelle sont généralement assujetties les autres lois de l’Ontario. Deuxièmement, d’autres organismes administratifs de la province (p. ex., les conseils d’arbitrage dans le secteur des relations de travail) ont jugé avoir le pouvoir d’appliquer le Code  aux textes de loi qu’ils sont chargés d’interpréter.

 

Fort de ces facteurs, et compte tenu du fait que le ministère n’a fait aucune observation à ce sujet, je considère que le Bureau du commissaire a l’obligation d’interpréter le paragraphe 48 (4)  de la Loi  dans le contexte des principes établis à l’alinéa 11 (1)  a) du Code .

 

L’ancien commissaire adjoint Glasberg a ensuite déterminé si la décision du ministère de ne pas fournir les renseignements personnels à l’appelant en gros caractères portait atteinte à ses droits au sens de l’alinéa 11 (1)  a) du Code . Il a jugé que le ministère avait reconnu les besoins particuliers de l’appelant et qu’il avait pris des mesures pour l’aider à comprendre son dossier. Il a conclu que la décision du ministère de ne pas transcrire la totalité du dossier de l’appelant en caractères gras de 24 points ne représentait pas une contravention de l’alinéa 11 (1)  a) du Code .

 

Ordonnance PO-2424

 

Le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (TASPAAT) a reçu une demande en vertu de la Loi de la part du même auteur de demande que dans le présent appel. Dans sa demande, ce particulier, qui est handicapé, a posé une série de questions concernant une décision que le TASPAAT avait prise quant à une indemnité.

 

Dans sa lettre de décision à l’auteur de demande, le TASPAAT a déclaré, entre autres choses, qu’il avait déjà envoyé à ce dernier une copie des décisions le concernant quant aux indemnités. Dans sa lettre d’appel envoyée au CIPVP, l’auteur de la demande (désormais l’appelant) a expliqué qu’il voulait obtenir l’accès à son dossier au TASPAAT, mais sous une forme qui lui serait accessible.

 

À l’issue du stade de la médiation du processus d’appel, le CIPVP avait établi que la seule question qui demeurait en litige résidait dans la décision du TASPAAT de ne pas fournir à l’appelant une copie de deux décisions concernant des indemnités, en français sur cassette audio.  

 

Dans sa décision, l’arbitre Donald Hale a adopté une démarche différente de celle que l’ancien commissaire adjoint Glasberg avait choisie dans l’ordonnance P-540. Ainsi, il s’est demandé si l’alinéa 48 (3)  b) de la Loi  obligeait le TASPAAT à fournir à l’appelant l’accès à ces deux décisions en français sur cassette audio. Cette disposition oblige l’institution à fournir à l’auteur de la demande une « copie » d’un document lorsqu’il lui accorde l’accès à des renseignements personnels.

 

L’arbitre Hale a examiné trois définitions de dictionnaire du mot anglais « copy » et a conclu qu’elles représentent une interprétation élargie qui comprendrait une version sur cassette audio d’un document papier. Il a trouvé écho de cette interprétation dans la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. McMullen (1979), 25 O.R. (2d) 301 et dans une décision australienne, Bailey v. Hinch [1989] V.R. 79 :

 

… je considère que le terme « copie » au paragraphe 48 (3) s’applique également à plusieurs versions du document écrit, y compris une copie transcrite ou enregistrée sur cassette audio, étant donné qu’elle représente simplement une « reproduction de l’original », bien que sous une forme différente de cette version originale.

 

Cette interprétation du mot « copie » est également conforme aux objets de la Loi . L’un de ces objets, qui est énoncé à l’alinéa 1  a), consiste à procurer un droit d’accès à l’information, avec des exceptions limitées et précises, qui ne sont pas invoquées dans l’appel.

 

Il a donc conclu que le TASPAAT était tenu de fournir à l’appelant les deux décisions en français sur cassette audio :

 

À mon avis, l’auteur de la demande a le droit, en vertu de la Loi , de demander l’accès à l’information sous quelque forme qu’il n’est pas trop difficile de lui fournir, sous réserve des dispositions du paragraphe 57 (1) concernant les droits à acquitter. En l’espèce, je considère que l’appelant a le droit d’obtenir l’accès aux renseignements sous la forme qu’il désire, et que le TASPAAT est tenu de les lui fournir sous cette forme conformément à l’alinéa 48 (3) b).

 

L’arbitre Hale a également soulevé une autre question abordée par le TASPAAT dans ses observations. Le TASPAAT a indiqué que l’appelant a porté plainte à la Commission ontarienne des droits de la personne, alléguant une infraction au Code , le TASPAAT ayant négligé de lui fournir une version sur cassette audio de plusieurs documents, y compris les deux décisions en français en cause dans l’appel entendu par l’arbitre Hale. Il a soutenu que l’appel devait être rejeté parce qu’il aurait été plus approprié que l’appelant porte plainte devant la Commission.

 

L’arbitre Hale était en désaccord avec le TASPAAT sur ce point:

 

En l’espèce, […] l’essence de ce différend réside dans l’accès à des renseignements personnels et dans l’interprétation du paragraphe 48 (3)  de la Loi . L’interprétation de cette disposition ne repose pas sur l’existence éventuelle d’un handicap chez l’appelant; elle s’applique à tout auteur de demande qui demande l’accès à des renseignements personnels dont une institution a la garde ou le contrôle, qu’il ait ou non un handicap.

 

L’arbitre Hale a donc ordonné au TASPAAT de fournir à l’appelant des copies sur cassette audio des deux décisions en langue française ou une décision quant aux droits demandés pour recevoir ces documents.

 

Analyse et constatations

 

Le principe moderne d’interprétation législative

 

Aux fins de mon analyse, je fais fond sur le principe moderne d’interprétation législative, qu’Elmer Driedger a formulé dans la deuxième édition de son ouvrage Construction of Statutes, et que la Cour suprême du Canada a retenu dans de nombreux arrêts (voir notamment Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27). Driedger a décrit ce principe en ces termes :

 

[Traduction]  Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

Doit-on appliquer le paragraphe 48 (3) ou le paragraphe 48 (4)?

 

La première question à résoudre dans cet appel consiste à savoir si la demande que l’appelant a présentée en vue d’accéder à des renseignements personnels le concernant sur cassette audio en langue française est visée par le paragraphe 48 (3) ou par le paragraphe 48 (4)  de la Loi . Comme nous l’avons déjà souligné, on a jugé que des demandes semblables de la part de personnes handicapées étaient visées par l’alinéa 48 (3)  b) dans le cas de l’ordonnance PO-2424 mais par le paragraphe 48 (4)  dans l’ordonnance P-540.

 

Dans ses observations, la CSPAAT soutient que le paragraphe 48 (3) ne s’applique pas en l’espèce. Elle s’oppose à l’ordonnance PO-2424, selon laquelle le terme « copie » de l’alinéa 48 (3) b) comprend diverses versions d’un document écrit, y compris une copie sur cassette audio d’un document contenant des renseignements personnels concernant l’auteur de la demande. 

 

D’après la CSPAAT, la conversion d’un document écrit en cassette audio représente la création d’un nouveau document. Elle soutient que la Loi  n’oblige pas l’institution à créer de nouveaux documents en réponse à une demande d’accès à l’information, en citant les ordonnances 196, PO‑2151 et P-820 pour étayer son point de vue.

Dans ses observations, l’appelant soutient qu’il ne demande pas à la CSPAAT de créer de nouveaux documents. Il affirme également que l’ordonnance PO-2424 s’applique en l’espèce.

 

À mon avis, la demande de l’appelant devrait être envisagée à la lumière du paragraphe 48 (4), et non du paragraphe 48 (3) , de la Loi , pour les raisons suivantes.

 

En premier lieu, le paragraphe 48 (3), selon l’interprétation la plus simple, oblige l’institution soit à permettre au particulier de consulter les renseignements personnels, soit à lui en remettre une « copie ». Par contre, le paragraphe 48 (4) oblige expressément l’institution à faire en sorte que les renseignements personnels soient fournis au particulier sous une « forme intelligible ». À mon avis, cette dernière expression donne clairement à penser que le paragraphe 48 (4) s’applique aux situations où l’auteur de la demande veut obtenir d’une institution l’accès à des renseignements personnels qui le concernent, sous une forme (p. ex., présentation ou langue) qu’il est en mesure de comprendre.

 

En second lieu, il faut interpréter la Loi  dans son contexte global, et pour ce faire, il y a lieu de consulter d’autres textes, notamment d’autres lois sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, pour déterminer son sens. Une comparaison avec la formulation analogue mais plus détaillée de la Loi sur la protection des renseignements personnels  du Canada  appuie le principe selon lequel la demande d’un particulier d’accéder à des renseignements personnels sous une forme et dans une langue différentes est visée par le paragraphe 48 (4)  de la Loi , et non par le paragraphe 48 (3) .

 

Le paragraphe 17 (1)  de la Loi sur la protection des renseignements personnels  du Canada  est très semblable au paragraphe 48 (3)  de la Loi  provinciale. Cependant, les paragraphes 17 (2)  et (3) , qui sont plus détaillés que le paragraphe 48 (4)  de la Loi  provinciale, contiennent des règles précises à l’intention des institutions fédérales qui répondent aux demandes d’individus qui veulent obtenir des renseignements personnels dans l’une des langues officielles du Canada ou sur un support de substitution en raison d’une déficience « sensorielle ».

 

Voici un tableau permettant de comparer les dispositions de la Loi  provinciale et de la Loi sur la protection des renseignements personnels  du Canada  :

 

 

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée  de l’Ontario 

 

 

Loi sur la protection des renseignements personnels  du Canada 

 

48. (3)  Dans le cas du particulier à qui est accordé l’accès aux renseignements personnels exigés en vertu du paragraphe (1), et sous réserve des règlements, la personne responsable :

 

a) ou bien permet au particulier de les consulter;

 

b) ou bien lui en fournit une copie.

 

 

17. (1) Sous réserve des règlements pris en vertu de l’alinéa 77(1)o), une institution fédérale donne communication des renseignements personnels de la façon suivante :

 

a) soit par la permission de consulter les renseignements conformément aux règlements;

 

b) soit par la délivrance de copies.

 

48. (4) La personne responsable veille à ce que les renseignements personnels soient communiqués, le cas échéant, au particulier sous une forme intelligible et d’une façon qui permet de connaître les conditions générales de leur stockage et de leur utilisation.  [Les italiques sont de moi.]

 

 

17. (2) Un individu reçoit communication des renseignements personnels dans la langue officielle qu’il a précisée dans les cas suivants :

 

a) il en existe une version dans cette langue et elle relève d’une institution fédérale;

 

b) il n’en existe pas de version dans cette langue mais le responsable de l’institution fédérale dont ils relèvent juge nécessaire de les faire traduire ou de fournir à l’individu les services d’un interprète afin qu’il puisse les comprendre.

 

17. (3) Un individu ayant une déficience sensorielle qui a demandé que communication des renseignements personnels lui soit faite sur un support de substitution reçoit communication de ceux-ci sur un tel support dans les cas suivants :

 

a) une version des renseignements existe sur un support de substitution qui lui soit acceptable et elle relève d’une institution fédérale;

 

b) le responsable de l’institution fédérale dont relèvent les renseignements juge nécessaire de communiquer les renseignements sur un support de substitution afin que la personne puisse exercer ses droits en vertu de la présente loi et raisonnable de les transférer sur un tel support.

 

 

À mon avis, cette comparaison illustre que la question de savoir si un particulier devrait recevoir les renseignements personnels qui le concernent sous une forme et dans une langue différentes de celles de l’institution est visée par le paragraphe 48 (4) de la Loi et non par le paragraphe 48 (3). 

 

En troisième lieu, les paragraphes 48 (3)  et (4)  de la Loi  doivent être interprétés dans le contexte de l’intention générale et des objets de la Loi et de l’intention de l’Assemblée législative de l’Ontario. Les objets de la Loi , qui sont énoncés à l’article 1, consistent notamment à procurer aux particuliers un droit d’accès aux renseignements personnels qui les concernent. Le mécanisme d’accès à ces renseignements est établi à la partie III de la Loi. Comme nous l’avons souligné plus haut, le paragraphe 47 (1) confère aux particuliers le droit général d’accéder aux renseignements personnels qui les concernent et que détient une institution. L’article 49 prévoit un certain nombre d’exceptions à ce droit. Une fois qu’il a été déterminé qu’il faut donner à l’auteur de la demande l’accès aux renseignements personnels qui le concernent, en tout ou en partie, les paragraphes 48 (3)  et (4)  de la Loi  précisent de quelle façon et sous quelle forme l’institution doit assurer cet accès. On suppose que l’Assemblée législative a établi ce mécanisme à la partie III de la Loi afin de fournir à tous les auteurs de demande, y compris les personnes handicapées et les francophones, le droit d’accéder aux renseignements personnels qui les concernent.

 

À mon avis, les paragraphes 48 (3) et (4) s’insèrent harmonieusement dans le mécanisme et les objets de la Loi  ainsi que dans l’intention de l’Assemblée législative. Ainsi, si une institution décide de procurer à l’auteur de la demande l’accès aux renseignements personnels qui le concernent, le paragraphe 48 (3) l’oblige simplement à autoriser l’auteur de la demande à examiner les renseignements personnels ou à lui en fournir une « copie » sous leur forme existante. Cependant, si l’auteur de la demande réclame l’accès à ses renseignements personnels sous une forme ou dans une langue différente, l’institution est tenue de répondre à cette partie de la demande en tenant compte du paragraphe 48 (4). 

 

On peut se demander si l’expression « forme intelligible » du paragraphe 48 (4) est assez générale pour inclure un changement de support et de langue. À mon avis, les auteurs de demande handicapés et de langue française ne peuvent exercer pleinement le droit d’accès aux renseignements personnels qui les concernent, conformément aux objets de la Loi , à moins que ces renseignements ne leur soient fournis sous une forme qui leur est intelligible. En rédigeant le paragraphe 48 (4)  de la Loi , l’Assemblée législative n’avait pas l’intention de permettre aux institutions de fournir aux auteurs de demande handicapés les renseignements personnels les concernant sous une forme qu’ils ne peuvent utiliser et comprendre. De même, le législateur n’avait pas l’intention d’autoriser les institutions à fournir aux auteurs de demande francophones des renseignements personnels les concernant en langue anglaise s’ils comprennent uniquement le français ou comprennent mal l’anglais.   

 

En outre, en ce qui concerne les demandes présentées par les personnes handicapées et les francophones, l’expression « forme intelligible » du paragraphe 48 (4) ne peut être interprétée selon une « norme objective », comme l’a constaté l’ancien commissaire adjoint Glasberg dans l’ordonnance P-540. Les auteurs de demande ayant un handicap visuel, par exemple, auront peut-être de la difficulté (selon la gravité de leur handicap) à comprendre les renseignements personnels les concernant qui leur sont fournis sur papier en caractères de format normal. Par conséquent, il est illogique de déterminer si les renseignements personnels fourni sous cette forme sont compréhensibles ou intelligible pour le commun des mortels pour établir si un auteur de demande ayant un handicap visuel a le droit d’accéder aux renseignements personnels qui le concernent sous une « forme intelligible » en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi . De toute évidence, il faut suivre une norme subjective qui tient compte du handicap de cette personne.

 

Bref, je considère que le paragraphe 48 (4)  de la Loi  oblige les institutions à fournir aux auteurs de demande handicapés les renseignements personnels les concernant sous une forme qui leur est compréhensible ou intelligible. En outre, je juge que cette disposition oblige les institutions à fournir aux auteurs de demande francophones les renseignements personnels qui les concernent en version française. Cependant, comme je l’explique plus loin, ces obligations ne sont pas absolues et doivent être interprétées compte tenu des principes établis dans le Code et dans la Loi sur les services en français (la « LSF »).

 

Portée des obligations de l’institution en vertu du paragraphe 48 (4)

 

En l’espèce, la CSPAAT souligne qu’elle a fourni à l’appelant et à ses représentants des photocopies des 2 705 documents se trouvant dans son dossier qui correspondent à la période précisée dans sa demande. Je juge donc que la CSPAAT s’est déjà conformée à l’alinéa 48 (3)  b) de la Loi , qui oblige l’institution à fournir aux auteurs de demande une « copie » de leurs renseignements personnels quand elle leur accorde l’accès.

 

Cependant, l’appelant a demandé l’accès aux renseignements personnels le concernant contenus dans son dossier à la CSPAAT sous une forme différente (sur cassette audio) et en français, pour la période allant du début de 1989 au 28 janvier 1998. Par conséquent, il faut déterminer la mesure dans laquelle le paragraphe 48 (4)  de la Loi  oblige la CSPAAT à fournir à l’appelant les renseignements personnels contenus dans son dossier sous la forme et dans la langue qu’il a demandées, pour la période indiquée dans sa demande.

 

Forme

 

J’aborderai pour commencer la question de la forme. Pour les raisons qui suivent, je juge que le CIPVP doit interpréter selon les principes du Code la mesure dans laquelle l’institution est tenue, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir aux auteurs de demande handicapés les renseignements personnels qui les concernent sous une forme qui leur est compréhensible ou intelligible. 

 

Contrairement au paragraphe 17 (3)  de la Loi sur la protection des renseignements personnels  du Canada , qui établit des règles détaillées que les institutions du gouvernement fédéral doivent suivre lorsqu’elles répondent à des demandes d’accès à des renseignements personnels de la part de personnes présentant une « déficience sensorielle », le paragraphe 48 (4)  de la Loi  ne donne pas d’indications aux institutions du gouvernement provincial sur la portée de leur obligation de fournir aux auteurs de demande handicapés les renseignements personnels les concernant sous une « forme intelligible ». On peut donc se demander si un document externe (p. ex., le Code ) peut faciliter l’interprétation de la portée de l’obligation de l’institution de fournir aux auteurs de demande handicapés l’accès aux renseignements personnels qui les concernent sous une forme qui leur est compréhensible ou intelligible.

 

Deux arrêts récents de la Cour suprême du Canada éclairent la question de savoir si les tribunaux administratifs doivent tenir compte du Code et en appliquer les principes dans l’interprétation de leur loi habilitante. Dans Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), [2006] 1 R.C.S. 513, deux particuliers avaient demandé un soutien au directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. Le directeur a établi que les appelants n’avaient pas droit à ce soutien en vertu de la Loi  sur le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées parce qu’aux termes d’une disposition de cette loi, les personnes dont la situation est attribuable à l’abus d’alcool ou d’autres drogues ne sont pas admissibles. 

 

Ces deux particuliers ont interjeté appel de la décision du directeur devant le Tribunal de l’aide sociale (TAS) en soutenant que cette disposition restrictive enfreignait le Code , qui interdit la discrimination fondée sur divers motifs, y compris le handicap, et l’emporte sur les autres lois. Cependant, le TAS a rejeté l’appel, soutenant qu’il n’avait pas compétence pour déterminer si le Code  s’appliquait à la disposition contestée de la Loi  sur le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées.

 

La décision du TAS a été portée en appel devant les tribunaux, jusqu’en Cour suprême du Canada. Dans son jugement rendu pour la majorité, le juge Bastarache a jugé que la Cour était appelée à trancher deux questions :

 

(1)       Le TAS a-t-il compétence pour examiner le Code  au moment de rendre ses décisions?

 

(2)       Dans l’affirmative, le TAS aurait-il dû décliner compétence dans les présentes affaires?

 

En ce qui concerne la première question, le juge Bastarache a souligné qu’il est bien établi en droit que les tribunaux administratifs créés par une loi qui sont investis du pouvoir de trancher les questions de droit sont présumés avoir le pouvoir d’aller au-delà de leurs lois habilitantes pour appliquer l’ensemble du droit à une affaire dont ils sont dûment saisis. Cependant, cette présomption peut être réfutée si la loi habilitante du tribunal administratif l’empêche de tenir compte de sources juridiques externes. Il a ensuite examiné les lois habilitantes régissant le TAS et a conclu qu’elles n’empêchaient pas celui-ci d’appliquer le Code . Il a donc jugé que le TAS était compétent pour tenir compte du Code  dans ses décisions.

 

En ce qui concerne la seconde question, le juge a soutenu que comme la loi habilitante ne donnait pas au TAS le pouvoir de décliner compétence, ce dernier ne pouvait éviter de tenir compte du Code  dans les appels interjetés devant lui. 

 

Dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., [2007] 1 R.C.S. 650, la Cour suprême a confirmé une décision de l’Office des transports du Canada, qui avait ordonné à VIA Rail de prendre des mesures correctives pour rendre ses nouvelles voitures Renaissance accessibles aux personnes qui utilisent un fauteuil roulant. En vertu de la Loi sur les transports au Canada (la « LTC ») et de ses règlements d’application, l’Office a le mandat de relever les « obstacles abusifs » à la mobilité des personnes handicapées dans le secteur des transports.

 

Au nom de la majorité, la juge Abella a conclu que l’Office est tenu d’appliquer les principes de la Loi canadienne sur les droits de la personne  lorsqu’il interprète la signification de l’expression « obstacles abusifs » de la LTC :

 

Dans l’arrêt Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), [2006] 1 R.C.S. 513, 2006 CSC 14, par. 26, notre Cour à la majorité a confirmé la présomption qu’un tribunal administratif peut examiner d’autres lois que sa loi habilitante pour interpréter des dispositions de sa loi habilitante « du fait qu’il est peu souhaitable qu’un tribunal administratif se limite à l’examen d’une partie du droit et ferme les yeux sur le reste du droit.  Le droit n’est pas compartimenté de manière à ce que l’on puisse facilement trouver toutes les sources pertinentes à l’égard d’une question donnée dans les dispositions de la loi habilitante d’un tribunal administratif. »  L’arrêt Winnipeg School Division No. 1 c. Craton, [1985] 2 R.C.S. 150, p. 156, et l’arrêt Tranchemontagne établissent tous les deux clairement que, du fait qu’elle énonce « une politique générale applicable à des questions d’intérêt général », une loi sur les droits de la personne fait partie de l’ensemble des règles de droit pertinentes nécessaires pour aider un tribunal administratif à interpréter sa loi habilitante.

 

Dans l’arrêt Winnipeg School Division, le juge McIntyre a confirmé que, en cas de conflit entre une loi sur les droits de la personne et une autre loi particulière, la loi sur les droits de la personne, en tant qu’énoncé collectif d’une politique générale, doit prévaloir à moins qu’une exception ne soit créée.  Il s’ensuit naturellement que, lorsqu’une disposition législative est susceptible de plus d’une interprétation, elle doit être interprétée conformément aux principes en matière de droits de la personne.  L’Office est donc tenu d’appliquer les principes de la Loi canadienne sur les droits de la personne , L.R.C. 1985, ch. H‑6 , lorsqu’il définit et relève des « obstacles abusifs » dans le contexte du transport.

 

À mon avis, ces deux arrêts de la Cour suprême soulèvent deux questions pertinentes en l’espèce :

 

(1)        Le CIPVP a-t-il compétence pour examiner le Code  au moment de rendre ses décisions?

 

(2)        Dans l’affirmative, le CIPVP doit-il interpréter le paragraphe 48 (4)  de la Loi  conformément aux principes contenus dans le Code ?

 

En ce qui concerne la première question, la Loi  permet au CIPVP de régler des appels en matière d’accès à l’information en se fondant sur des questions de droit. Le CIPVP est présumé avoir le pouvoir d’aller au-delà de la Loi et d’appliquer l’ensemble du droit dans ses décisions. Cette présomption pourrait être réfutée si la Loi  empêchait le CIPVP de tenir compte de sources juridiques externes, comme le Code . Or, la Loi  n’empêche pas le CIPVP de tenir compte du Code . J’estime donc qu’il a compétence pour envisager le Code  dans ses décisions.  

 

Pour ce qui est de la seconde question, la Cour suprême, dans l’arrêt Tranchemontagne, a statué qu’un tribunal administratif doit tenir compte du Code  dans les appels qu’il entend si sa loi habilitante ne lui donne pas le pouvoir de refuser de le faire. En outre, dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences, la Cour suprême a jugé que dans les cas où une disposition législative est susceptible de plus d’une interprétation, elle doit être interprétée conformément aux principes en matière de droits de la personne. 

 

Je juge donc que le CIPVP doit appliquer les principes du Code  pour interpréter la portée de l’obligation qu’a l’institution, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir aux auteurs de demande handicapés les renseignements personnels qui les concernent sous une forme qui leur est compréhensible ou intelligible. Les dispositions pertinentes du Code  dans ce contexte sont celles qui prévoient la mise en œuvre de mesures d’adaptation pour les personnes handicapées. 

 

Langue

 

J’examinerai maintenant la portée de l’obligation de l’institution, en vertu du paragraphe 48 (4), de fournir aux auteurs de demande francophones les renseignements personnels les concernant en langue française. Précisons d’emblée que si les renseignements personnels concernant un auteur de demande francophone que détient une institution sont déjà en français, ces renseignements existent alors sous une « forme intelligible » au sens du paragraphe 48 (4)  de la Loi . Par conséquent, l’institution aurait alors l’obligation, en vertu du paragraphe 47 (1) (sous réserve des exceptions figurant à l’article 49), de divulguer ces renseignements à l’auteur de demande en réponse à une demande d’accès.

 

Cependant, dans certaines situations, les renseignements personnels concernant un auteur de demande francophone détenus par l’institution seront non pas en français mais en anglais. Il faut alors se demander si le paragraphe 48 (4), qui oblige l’institution à fournir à l’auteur de demande les renseignements personnels le concernant sous une « forme intelligible », donne lieu également à l’obligation de traduire ces renseignements en français. Pour les raisons suivantes, je juge que le CIPVP doit appliquer les principes de la LSF pour interpréter la portée de l’obligation de l’institution, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir à l’auteur de demande les renseignements personnels le concernant en langue française.

 

À mon avis, il faut se poser deux questions en ce qui concerne la langue :

 

(1)        Le CIPVP a-t-il compétence pour examiner la LSF au moment de rendre ses décisions?

 

(2)        Dans l’affirmative, le CIPVP doit-il interpréter le paragraphe 48 (4)  de la Loi  conformément aux principes contenus dans la LSF?

 

Comme nous l’avons déjà souligné, le CIPVP est présumé avoir le pouvoir d’aller au-delà de la Loi  pour appliquer l’ensemble du droit aux décisions qu’il rend. Cependant, cette présomption peut être réfutée si la Loi  interdit au CIPVP de s’appuyer sur une source juridique externe comme la LSF. Or, la Loi  n’empêche pas le CIPVP de tenir compte de la LSF. Par conséquent, en réponse à la première question, j’estime que le CIPVP a le pouvoir de tenir compte de la LSF dans ses décisions.

 

Pour ce qui est de la seconde question, la Cour suprême, dans l’arrêt Tranchemontagne, a statué qu’un tribunal administratif doit tenir compte du Code  dans les appels qu’il entend si sa loi habilitante ne lui donne pas le pouvoir de refuser de le faire. En outre, dans l’arrêt Conseil des Canadiens avec déficiences, la Cour suprême a jugé que dans les cas où une disposition législative est susceptible de plus d’une interprétation, elle doit être interprétée conformément aux principes en matière de droits de la personne.  Il reste donc à se demander si le CIPVP doit également tenir compte de la LSF pour interpréter le paragraphe 48 (4)  de la Loi .

 

Un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario éclaire cette question. Dans Lalonde c. Commission de restructuration des services de santé, [2001] 56 O.R. (3d) 505, la Cour a maintenu un jugement de la Cour divisionnaire qui avait annulé certaines directives de la Commission de restructuration des services de santé concernant l’Hôpital Montfort. Au nom de la majorité, les juges Weiler et Sharpe ont soutenu que la LSF s’apparente à une loi sur les droits de la personne :

 

À une certaine époque, la Cour suprême du Canada interprétait les droits linguistiques dans une optique restrictive. Dans l’arrêt Société des Acadiens, précité, à la p. 578 R.C.S., le juge Beetz, au nom de la majorité, statue que les droits linguistiques, résultats d’un « compromis politique », devaient faire l’objet de retenue judiciaire par opposition aux garanties juridiques, qui sont de nature « féconde parce qu’elles sont fondées sur des principes ». Il est maintenant évident, toutefois, que cette approche étroite et restrictive a été abandonnée et que les droits linguistiques doivent être traités comme des droits fondamentaux de la personne et interprétés libéralement par les tribunaux.  [Les italiques sont de moi.]

 

Contrairement au Code , la LSF ne contient aucune disposition précisant qu’elle l’emporte sur les autres lois. Cependant, étant donné que la Cour d’appel a clairement statué que « les droits linguistiques doivent être traités comme des droits fondamentaux de la personne », il est logique de conclure qu’un tribunal administratif doit trancher les appels interjetés devant lui en tenant compte de la LSF, si sa loi habilitante ne lui donne pas le pouvoir de refuser de le faire. Comme la Loi n’empêche pas le CIPVP d’appliquer la LSF, je conclus que le CIPVP est tenu d’interpréter les dispositions de la Loi  en tenant compte de la LSF.

 

La Cour suprême du Canada a souligné à plusieurs reprises qu’il faut interpréter les textes de loi sur les droits de la personne de façon large, libérale et selon l’objet visé. Par exemple, dans Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) [1987] 1 R.C.S. 1114, le juge en chef Dickson a déclaré :

 

La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l’essor des droits individuels d’importance vitale, lesquels sont susceptibles d’être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu’en interprétant la Loi , les termes qu’elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet.

 

Étant donné que la Cour d’appel, dans l’arrêt Lalonde, a statué que les droits linguistiques doivent être traités comme des « droits fondamentaux de la personne » et interprétés libéralement par les tribunaux, je juge que le CIPVP doit interpréter les droits que confère la LSF en matière de services en français selon une perspective large, libérale et fondée sur l’objet visé. Le libellé de la LSF doit être interprété en fonction de son sens manifeste, mais il faut aussi que les droits qui y sont énoncés soient pleinement reconnus et appliqués.

 

La LSF confère aux particuliers le droit de recevoir du gouvernement provincial des « services » en français dans 25 régions désignées de la province. Ainsi, l’article 2 oblige le gouvernement de l’Ontario à « assurer la prestation des services en français ». En outre, en vertu de l’article 5, « chacun a droit à l’emploi du français, conformément à la présente loi, pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature et pour en recevoir les services ».

 

Le terme « service » est défini comme suit à l’article 1 : « Service ou procédure qu’un organisme gouvernemental ou une institution de la Législature fournit au public. S’entend en outre des communications faites en vue de fournir le service ou la procédure ». L’article 7 de la LSF prévoit que le droit de recevoir des services en français peut être assujetti « aux limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances », si « toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés afin de faire respecter la […] loi ».

 

Pour les raisons suivantes, je juge que les institutions, au sens de la Loi , qui sont visées par la LSF sont tenues de fournir aux auteurs de demande francophones les renseignements personnels qui les concernent en français en réponse à des demandes d’accès, sous réserve des limitations mentionnées à l’article 7 de la LSF.

Dans l’ordonnance P-562, l’ancienne agente d’enquête Anita Fineberg a abordé la question de savoir si le ministère du Logement avait l’obligation de traduire en français une liste des titres de tous les postes de la Commission de logement de la communauté urbaine de Toronto. Elle a jugé que la Loi  n’obligeait pas l’institution à traduire les documents pertinents en français :

 

[Traduction]  À mon avis et conformément à la Loi sur les services en français le Ministère a l’obligation de répondre en français aux demandes d’accès présentées en français en vertu de la Loi . C’est ce que le Ministère a fait dans le cas présent. Par contre, le Ministère n’est pas tenu de fournir la traduction d’un document. Cela obligerait une institution à créer un document alors qu’aucune circonstance ne l’exige. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’y a pas d’obligation statutaire pour le Ministère de répondre à cette partie des demandes d’accès de quelque autre façon.

 

À mon avis, cette conclusion ne s’applique pas aux demandes que présentent des particuliers en vue d’obtenir des renseignements personnels les concernant. Je conviens que la LSF oblige l’institution à répondre en français aux demandes formulées en français en vertu de la Loi , car le fait de répondre aux demandes d’accès représente de toute évidence un « service » rendu au public, d’après la définition de ce terme à l’article 1 de la LSF. Cependant, je ne suis pas d’accord avec la conclusion de l’ancienne agente d’enquête Fineberg selon laquelle l’institution n’a absolument aucune obligation de traduire quelque document pertinent que ce soit en français. 

 

Bien que la Loi  n’oblige pas généralement une institution à créer un document en réponse à une demande d’accès, elle doit être interprétée à la lumière de la LSF. À mon avis, une interprétation large, libérale et fondée sur l’objet visé de la définition de « service » énoncé à l’article 1 comprendrait la divulgation de renseignements personnels à un particulier francophone en réponse à une demande d’accès.

 

Comme je l’ai mentionné plus haut, le terme « service » est défini en ces termes dans la LSF : « Service ou procédure qu’un organisme gouvernemental ou une institution de la Législature fournit au public. S’entend en outre des communications faites en vue de fournir le service ou la procédure ». À mon avis, les organismes gouvernementaux qui répondent aux demandes d’accès fournissent un « service » au public, et la divulgation aux auteurs de demande des renseignements personnels qui les concernent représente une « communication faite en vue de fournir le service ».  La dernière partie de cette interprétation est étayée par le paragraphe 48 (4)  de la Loi , en vertu duquel la personne responsable de l'institution doit veiller à ce que « les renseignements personnels soient communiqués, le cas échéant, au particulier sous une forme intelligible … »  [Les italiques sont de moi.]

 

Étant donné qu’en vertu de l’article 2 de la LSF, le gouvernement de l’Ontario « assure la prestation des services en français », j’estime qu’en vertu de la Loi , une institution visée par la LSF doit traduire en français les renseignements personnels dont un auteur de demande francophone a fait la demande. À mon avis, cette conclusion est non seulement conforme aux dispositions de la LSF, mais elle va dans le sens d’un des principaux objets de la Loi , qui consiste à donner aux particuliers l’accès aux renseignements personnels qui les concernent. On ne peut affirmer que les auteurs de demande francophones jouissent d’un accès réel aux renseignements personnels qui les concernent si l’institution ne prend aucune mesure pour les lui fournir en français.

 

Cependant, l’obligation d’une institution de traduire les renseignements personnels de l’auteur de la demande en français en réponse à une demande d’accès n’est pas absolue. Comme nous l’avons déjà souligné, l’article 7 de la LSF prévoit que le droit de recevoir des services en français peut être assujetti « aux limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances », si « toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés afin de faire respecter la […] loi ». Dans l’arrêt Lalonde précité, la Cour d’appel a fait les commentaires suivants sur la nature des limitations envisagées à l’article 7 :

 

… Le juge L.-P. Pigeon, dans Rédaction et interprétation des lois, 3e éd. (Québec : Gouvernement du Québec, Ministère des Communications, 1986), à la p. 36, définit le terme « nécessaire » comme suit : « une chose absolument indispensable, ce dont on ne peut rigoureusement pas se passer. En somme, une nécessité inéluctable. » Le mot « nécessaire » dans ce contexte semble vouloir dire que les services existants ne peuvent être restreints que s’il s’agit de la seule et unique ligne de conduite possible.

 

Avant de restreindre les services de Montfort en tant qu’hôpital communautaire, l’Ontario doit également avoir pris « toutes les mesures raisonnables » afin de faire respecter la Loi . Il est possible de définir assez précisément les mesures qui ne sont pas « raisonnables ». Prendre « toutes les mesures raisonnables » ne signifie pas simplement d’ordonner à l’hôpital qui accueillera les services de demander sa désignation en vertu de la L.S.F., puis transférer les services en français avant que cette désignation n’ait été accordée. Prendre « toutes les mesures raisonnables » ne signifie pas non plus rendre en apparence impossible la formation des professionnels de la santé en français, puis laisser la communauté touchée résoudre le problème elle-même. Les directives de la Commission ne sont pas conformes à l’art. 7  de la Loi .

 

La Cour soutient ensuite que les limitations abordées à l’article 7 sont difficiles à définir, mais que les organismes gouvernementaux qui décident de limiter les services aux francophones doivent satisfaire à une norme minimale :

 

Bien que les expressions « raisonnables et nécessaires » et « toutes les mesures raisonnables » ne puissent pas être définies avec une précision absolue, elles exigent à tout le moins la justification ou l’explication des directives restreignant le droit des francophones de bénéficier des services de Montfort comme hôpital communautaire.

 

Bref, je conclus qu’une institution visée par la LSF qui décide de ne pas traduire en français la totalité ou une partie des documents contenant des renseignements personnels concernant un auteur de demande francophone en réponse à une demande d’accès reçue en vertu de la Loi  doit démontrer que cette limite à la prestation de services en français est conforme à l’article 7 de la LSF. Elle doit notamment montrer qu’elle a pris « toutes les mesures raisonnables » et élaboré « tous les projets raisonnables » pour se conformer à la LSF et que sa décision est « raisonnable et nécessaire » dans le contexte de la demande d’accès. En outre, conformément à l’arrêt Lalonde de la Cour d’appel, l’institution doit à tout le moins justifier ou expliquer cette décision.

 

Le présent appel

 

Je vais maintenant appliquer les principes précédents à l’appel que je dois trancher. L’appelant veut obtenir sur cassette audio et en français des documents contenant des renseignements personnels le concernant qui ont été versés à son dossier à la CSPAAT du début de 1989 au 28 janvier 1998. On ne m’a pas remis de copie de ce dossier, mais il contiendrait des documents papier rédigés en anglais et en français.

 

Dans ses observations, la CSPAAT affirme qu’elle a fourni à l’appelant et à ses représentants des photocopies des 2 705 documents se trouvant dans son dossier qui correspondent à la période précisée dans sa demande. Je considère donc que la CSPAAT s’est conformée à l’alinéa 48 (3)  b) de la Loi , qui oblige l’institution à fournir à l’auteur de la demande à qui elle a accordé l’accès une « copie » des renseignements personnels les concernant.

 

Toutefois, l’appelant a demandé l’accès aux renseignements personnels se trouvant dans son dossier à la CSPAAT sous une autre forme (sur cassette audio) de même qu’en français, et il a demandé les documents datés de 1989 au 28 janvier 1998. Il faut donc déterminer si le paragraphe 48 (4)  de la Loi  oblige la CSPAAT à fournir à l’appelant ces renseignements personnels sous la forme et dans la langue qu’il a demandées, pour la période précisée dans sa demande.

 

Forme

 

Je commencerai par la partie de la demande dans laquelle l’appelant réclame que la CSPAAT lui fournisse les renseignements personnels se trouvant dans son dossier sous une forme différente (cassette audio). J’ai jugé que le paragraphe 48 (4)  de la Loi  oblige l’institution à fournir aux auteurs de demande handicapés les renseignements personnels les concernant sous une forme qui leur est compréhensible ou intelligible. Cependant, j’ai également soutenu que cette obligation n’est pas absolue, et que le CIPVP doit interpréter sa portée à la lumière des principes établis dans le Code .

 

Dans sa lettre de décision, la CSPAAT a refusé de fournir à l’appelant sur cassette audio les renseignements personnels se trouvant dans son dossier qui correspondent à la période indiquée dans sa demande, parce que d’après elle, cette demande va à l’encontre d’un règlement à l’amiable intervenu entre les parties devant la CODP. Ce règlement, qui a été conclu conformément au Code , oblige la CSPAAT à fournir à l’appelant uniquement une version sur cassette audio de tous les documents écrits versés à son dossier à partir de la date du règlement (11 février 1999). Ce dernier ne l’oblige pas à fournir à l’appelant une version sur cassette des documents créés avant cette date. 

 

La CSPAAT soutient que le CIPVP devrait refuser d’appliquer le paragraphe 48 (4)  de la Loi  car la CODP a déjà tranché cette question :

 

[Traduction]  Les ordonnances rendues jusqu’à maintenant par le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (CIPVP) donnent à penser que ce dernier refusera d’appliquer le paragraphe 48 (4) et jugera que la question des adaptations à fournir en vertu du Code  relève de la compétence de la CODP [ordonnances P-540 et PO-1775]. La CSPAAT demande au CIPVP d’exercer sa compétence en l’espèce.

 

Je ne suis pas d’accord avec la CSPAAT sur ce point. Cependant, je considère que le règlement à l’amiable conclu entre les parties devant la CODP est un bon repère pour déterminer si le paragraphe 48 (4)  de la Loi , interprété à la lumière du Code , oblige la CSPAAT à fournir à l’appelant sur cassette audio les renseignements personnels le concernant se trouvant dans son dossier et correspondant à la période indiquée dans sa demande.

 

Les dispositions suivantes du règlement en question sont pertinentes en l’espèce :

           

1.      [La CSPAAT] réaffirme son engagement d’accomoder les limitations de ses clients qui résultent d’handicaps visuels, conformément aux articles premier (1) et dix-sept (17) du Code .

 

2.      [La CSPAAT] et le plaignant conviennent qu’à présent, la meilleure forme d’accommodement possible pour lui est de receivoir des bandes sonores cassettes enregistrées, de matérial écrit créé par [la CSPAAT] à partir de ce jour, relatifs à ses appels et qui font partie de ces dossiers.

 

3.      Le plaignant convient que ce règlement est une résolution entière, complète et définitive de toutes les plaintes qui ont constitutées jusqu’à ce jour l’objet de cette plainte-ci contre [la CSPAAT] ou qui sont liées à [la CSPAAT] d’une manière ou d’une autre, conformément à la Renonciation ci-jointe.

 

Dans la Renonciation, l’appelant convient de libérer la CSPAAT de « toute plainte présente ou future, ou de toutes causes à plainte en vertu du [Code ], et renonce aux griefs, actions, causes d’action, droits et créances de toutes sortes qui existent jusqu’à ce jour et qui constituent l’objet de ma plainte ... ou qui y sont liés d’une manière ou d’une autre ». 

 

 

Dans ses observations, l’appelant soutient que la CSPAAT n’a pas respecté les modalités du règlement à l’amiable :

 

La [CSPAAT] sont en violation de l’entente qu’ils ont signé avec la CODP car jusqu’à ces jours je n’ai eu accès qu’à environ 100 pages sur cassette depuis 6 ans environ.  Je n’ai jamais eu de mise à jours de mes dossiers.

 

L’appelant a déposé une autre plainte à la CODP pour violation des droits de la personne, alléguant que la CSPAAT a enfreint le règlement à l’amiable. Cependant, la CSPAAT m’a fourni une décision de la CODP dans laquelle celle-ci rejette cette nouvelle plainte, la qualifiant de « vexatoire » et soulignant que l’appelant pouvait déposer en vertu de la Loi une demande d’accès aux documents se trouvant dans son dossier. 

 

J’ai étudié attentivement les observations des parties. A la lumière du Code  comme le prévoient les arrêts Tranchemontagne et Conseil des Canadiens avec déficiences de la Cour suprême du Canada, je juge que la portée de l’obligation de la CSPAAT, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir à l’appelant les renseignements personnels le concernant sous une forme qui lui est compréhensible ou intelligible, est établie dans le règlement à l’amiable. Ce règlement, qui a été conclu conformément aux dispositions du Code , oblige la CSPAAT à fournir à l’appelant sur cassette audio uniquement les documents écrits ajoutés à son dossier à partir de la date du règlement (11 février 1999). L’appelant me demande essentiellement de passer outre à ce règlement en ordonnant à la CSPAAT de lui fournir une version sur cassette audio des documents versés à son dossier avant le 11 février 1999, mais je ne vois aucun motif de le faire. 

 

Bref, je suis convaincu que la CSPAAT a respecté son obligation concernant la forme en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi . Je considère qu’elle n’est pas tenue de fournir à l’appelant sur cassette audio les renseignements personnels se trouvant dans son dossier et correspondant à la période indiquée dans sa demande.

 

Langue

 

Le règlement à l’amiable que la CSPAAT et l’appelant ont conclu devant la CODP porte uniquement sur l’obligation de la CSPAAT de fournir à l’appelant une version sur cassette audio des documents se trouvant dans son dossier. Elle ne précise pas si ces renseignements personnels doivent être fournis en français. Cependant, dans l’appel qui nous intéresse, l’appelant demande les renseignements personnels ajoutés à son dossier de la CSPAAT du début de 1989 au 28 janvier 1998, non seulement sur cassette audio mais aussi en français. Je dois donc déterminer si la CSPAAT est tenue, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir à l’appelant les renseignements personnels le concernant en français.

 

Comme j’ai déjà établi que la CSPAAT n’est pas tenue de fournir à l’appelant une version sur cassette audio des renseignements personnels se trouvant dans son dossier et correspondant à la période indiquée dans sa demande, il reste à déterminer si la CSPAAT doit lui fournir en français les documents papier se trouvant dans son dossier qui ont été créés du début de 1989 au 28 janvier 1998.

 

D’après les observations des parties, il semble que le dossier de l’appelant à la CSPAAT contienne des documents papier en anglais et en français. Dans ses observations, la CSPAAT indique qu’elle a fourni à l’appelant et à ses représentants les 2 705 documents de son dossier qui correspondent à la période précisée dans sa demande. J’ai déjà établi que les renseignements personnels que détient une institution et qui concernent un auteur de demande francophone sont déjà en français, ces renseignements existent sous une « forme intelligible » au sens du paragraphe 48 (4)  de la Loi . Je juge donc que la CSPAAT a respecté son obligation de fournir à l’auteur de la demande les renseignements personnels contenus dans son dossier qui sont déjà en français, pour la période indiquée dans sa demande.

 

Cependant, le dossier de l’appelant à la CSPAAT semble également comporter des documents en anglais qui contiennent des renseignements personnels à son sujet, et qui ont été créés du début de 1989 au 28 janvier 1998. Je dois donc déterminer la portée de l’obligation de la CSPAAT, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir à l’appelant les renseignements personnels le concernant en français, ce qui nécessiterait leur traduction.

 

Comme je l’ai déjà souligné, j’ai conclu qu’une institution visée par la LSF qui décide de ne pas traduire en français la totalité ou une partie des documents contenant des renseignements personnels concernant un auteur de demande francophone en réponse à une demande d’accès reçue en vertu de la Loi  doit démontrer que cette limite à la prestation de services en français est conforme à l’article 7 de la LSF. Elle doit notamment montrer qu’elle a pris « toutes les mesures raisonnables » et élaboré « tous les projets raisonnables » pour se conformer à la LSF et que sa décision est « raisonnable et nécessaire » dans le contexte de la demande d’accès. En outre, conformément à l’arrêt Lalonde de la Cour d’appel, l’institution doit à tout le moins justifier ou expliquer cette décision.

 

Dans ses observations, l’appelant soutient que la CSPAAT ne s’est pas conformée à sa demande de longue date de lui fournir les documents contenus dans son dossier en français :

 

Le 10 décembre 1991 l’hôpital Royal d’Ottawa a informé la [CSPAAT] que je voulais etre accommodé les services en français fondé sur mes handicaps.  Jusqu’à ces jours [la CSPAAT] ne m’ont pas donné accès a mes dossiers en français. 

 

Il prétend aussi que la CSPAAT refuse de lui fournir les documents contenus dans son dossier en français pour d’autres motifs :

 

J’ai un appel en attente de Mde Hocko depuis 1998 qui est confirmé par la décision 325-95R du tribunal.  Je n’ai pas encore eu accès à mon information en français ou sur cassette.

 

Quand la [CSPAAT] a rendu cette décision l’agent n’etait pas bilingue.  Elle a traduit mon information soumis en français en anglais en sa faveur.  Elle a mélengé mon dossier avec d’autre dossier et d’autre personne, qui est la raison que la [CSPAAT] ne veule pas me donné accès à mon information.

 

En outre, l’appelant soutient qu’il a interjeté appel devant le CIPVP parce que les autres organismes auxquels il a porté plainte (la CODP, le Bureau de l’ombudsman et l’Office des affaires francophones) n’auraient pas fait leur travail correctement et auraient été « intimidés » par la CSPAAT.

 

Dans sa lettre de décision, la CSPAAT a fait les observations suivantes sur les allégations de l’appelant :

 

Je peux confirmer que toute l’information à votre dossier vous appartient.  Vos constantes demandes et plaintes auprès de la CSPAAT et d’autres agences du gouvernement exigent que votre agente d’indemnisation fasse une revue de votre dossier régulièrement.  Mme E. Baldari connaît bien votre dossier et elle est certaine que toutes les décisions rendues dans le cadre de votre dossier ont été basées sur l’information vous concernant.

 

... Vous continuez de poursuivre les mêmes demandes, plaintes et appels auprès de différents bureaux et agences du gouvernement, de votre député provincial etc., sans toutefois leur fournir l’information nécessaire.  Par exemple, le 16 août dernier, trois représentants de la CSPAAT, soit deux directeurs et un avocat, vous ont rencontré au bureau de la Commission des droits de la personne à Ottawa.  Lors de cette réunion, vous avez admis que vous avez reçu accès au dossier en français et sur cassette en vertu de la [Loi ], contrairement à ce que vous aviez indiqué dans votre plainte.  Lors de cette rencontre, vous vous êtes entretenue sans difficulté en anglais et n’avez pas eu besoin de l’interprète que vous aviez demandé.  En fait, vous avez l’habitude de discuter de votre dossier avec votre agent en anglais et, plus récemment, de lire des documents en anglais lors d’une conversation téléphonique …

 

En outre, dans ses observations, la CSPAAT soutient qu’à plusieurs reprises, l’Office des affaires francophones (l’« OAF ») « a conclu que la CSPAAT se conforme à ses obligations en vertu de la [LSF] en ce qui concerne l’appelant ». Elle a également fourni au CIPVP une lettre datée du 25 février 1993 que l’OAF a envoyée à l’appelant. Dans cette lettre, le directeur général de l’OAF a précisé à l’appelant qu’il était convaincu que la CSPAAT et le TASPAAT avaient respecté leurs obligations en vertu de la LSF, et que l’OAF ne répondrait plus aux lettres de plainte de l’appelant :

 

Depuis que votre dossier a été ouvert, [l’OAF] a mené, selon ses procédures, les enquêtes nécessaires concernant vos plaintes sur les services en français au public à [la CSPAAT] ou au Tribunal et les résultats des ces enquêtes démontrent que [la CSPAAT] et le Tribunal offrent les services en français requis par [la LSF].

 

Je désire vous informer que je suis satisfait des efforts que font [la CSPAAT] et le Tribunal pour vous accommoder et [l’OAF] ne mènera plus d’enquêtes.

 

Je désire donc vous aviser, que dorénavant, [l’OAF] n’accusera plus réception de vos lettres.  Ces lettres seront classées dans votre dossier.  Ci-joint, vous trouverez les documents non sollicités que vous avez ajoutés dans vos récentes lettres.  Sur chaque document nous avons noté la date à laquelle vous nous aviez écrit.  À l’avenir, nous continuerons à vous renvoyer tout document non sollicité.

 

J’ai étudié attentivement les observations des parties. L’appelant soutient que la CSPAAT ne lui a pas fourni les documents contenus dans son dossier en français; or, la CSPAAT m’a démontré qu’au fil des ans, elle a déployé des efforts considérables pour fournir à l’appelant les renseignements personnels contenus dans son dossier sous une « forme intelligible », notamment en français. Elle a fourni à l’appelant et à ses représentants des photocopies des 2 705 documents se trouvant dans le dossier (y compris des documents en français) correspondant à la période indiquée dans sa demande. En outre, elle lui a fourni, sur cassette audio et en français, les documents écrits versés à son dossier depuis la date du règlement à l’amiable conclu devant la CODP (11 février 1999). Enfin, la CSPAAT m’a fourni une décision de l’OAF selon laquelle la CSPAAT respecte ses obligations en vertu de la LSF en ce qui concerne l’appelant, et précisant que l’OAF ne répondrait plus aux autres plaintes de ce dernier.

 

Il semble que le dossier de l’appelant contient des documents produits pendant la période indiquée dans la demande et que la CSPAAT n’a pas traduits en français. Cependant, compte tenu de l’ensemble de la preuve déposée devant moi, je juge que la CSPAAT a démontré, conformément à l’article 7 de la LSF, qu’elle a pris « toutes les mesures raisonnables » et élaboré « tous les projets raisonnables » pour se conformer à la LSF, et que dans le contexte de la demande d’accès de l’appelant, sa décision de ne pas traduire la totalité de son dossier en français est « raisonnable et nécessaire ». En outre, je juge que la CSPAAT, conformément à l’arrêt Lalonde de la Cour d’appel, a respecté l’exigence minimale consistant à justifier ou à expliquer sa décision.

 

Je suis convaincu que la CSPAAT a respecté son obligation, en vertu du paragraphe 48 (4)  de la Loi , de fournir à l’appelant une version française des renseignements personnels contenus dans son dossier et correspondant à la période indiquée dans sa demande.

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

Je confirme la décision de la CSPAAT. L’appel est rejeté.

 

 

 

 

Original Signed By:                                                                             le 25 juillet 2008                    

Colin Bhattacharjee

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