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ORDONNANCE MO-2132

 

Appel MA-050277-1

 

Canton de Glengarry Nord


CONTEXTE

 

En vertu de la Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs et de son règlement d’application, les propriétaires d’exploitations agricoles peuvent être tenus, dans certaines circonstances, de dresser ou d’obtenir un plan de gestion des éléments nutritifs (PGEN) avant de se voir accorder un permis de construire pour certains travaux.  Le PGEN décrit comment le fumier, l’engrais et d’autres éléments nutritifs sont épandus sur un terrain.  Il doit être préparé par une personne agréée aux termes de la Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs et est approuvé par le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario.

 

NATURE DE L’APPEL

 

Le canton de Glengarry Nord (le « canton ») a reçu, aux termes de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée (la « Loi ») une demande d’accès à des renseignements concernant une exploitation porcine à porcheries multiples.  Plus précisément, l’auteur de la demande voulait obtenir l’accès à des « copies de la demande complète de permis de construire pour les porcheries construites par [entreprise], y compris le plan de gestion des éléments nutritifs (PGEN) ».

 

Le canton a localisé deux documents pertinents, la demande de permis de construire et le PGEN à l’appui, et a refusé l’accès à ces documents en soutenant qu’ils étaient visés par l’exception prévue au paragraphe 10 (1) de la Loi (renseignements de tiers).

 

L’auteur de la demande, maintenant l’appelant, a interjeté appel de la décision du canton.

 

Pendant la médiation, l’appelant a soutenu que le canton n’avait pas répondu à l’intégralité de sa demande parce qu’il n’avait pas inclus le permis de construire lui-même parmi les documents pertinents.  Le canton a répondu que d’après son interprétation, l’auteur de la demande voulait obtenir uniquement la « demande de permis de construire », et c’est pourquoi il n’a pas inclus le permis de construire parmi les documents. Tout au long de la médiation, l’appelant a soutenu que dans sa demande initiale, il réclamait aussi le permis de construire lui-même. La question de la portée de la demande a donc été ajoutée aux questions en litige dans cet appel.

 

La médiation ayant été infructueuse, le dossier est passé au stade de l’arbitrage du processus d’appel.

 

J’ai entrepris mon enquête pour cet appel et j’ai établi qu’en plus de l’ingénieur qui a élaboré le PGEN, il y a six autres personnes dont les intérêts pourraient être touchés par la divulgation des documents (parties concernées). Le contexte de cet appel est plutôt complexe, et on m’a fourni des renseignements limités. D’après ceux-ci, j’ai pu constater que les parties concernées sont visées par l’appel en raison des situations suivantes :

 

           La partie concernée 1 est propriétaire d’une exploitation agricole. La demande de permis de construire porte son nom et vise la construction d’une installation porcine. Le PGEN qui accompagnait la demande de permis de construire a été préparé par l’ingénieur de la partie concernée 1. Il semble que cet ingénieur ait été habilité à agir au nom de cette partie, qui aurait ensuite vendu le permis de construire qui lui a été accordé avec le terrain concerné.

 

           Les parties ont convenu qu’une entreprise qui n’existait pas encore au moment où le PGEN a été préparé (il s’agit maintenant de l’entreprise identifiée dans la demande) devait acheter le terrain de la partie concernée 1, le permis de construire que celle-ci avait obtenu ainsi qu’une partie du terrain d’un voisin, la partie concernée 2.

 

           La nouvelle entreprise a été constituée en vue d’établir une exploitation porcine sur le terrain acquis des parties concernées 1 et 2, et de construire les installations décrites dans la demande de permis de construire et le PGEN. Cette entreprise a été constituée en société sous le nom du propriétaire des porcs, la partie concernée 3.

 

           Le lisier excédentaire provenant de l’exploitation porcine devait être destiné à un voisin, la partie concernée 2, qui a convenu de l’épandre sur un nombre précis d’acres exploitables qui font partie de sa propre exploitation agricole. La partie concernée 2 est propriétaire d’une parcelle de ce terrain et loue des parcelles d’autres personnes, les parties concernées 4, 5 et 6.

 

J’ai décidé d’entreprendre mon enquête dans cet appel en envoyant un avis d’enquête au canton pour lui demander des observations. J’ai également envoyé une copie à l’ingénieur qui a préparé le PGEN et aux six autres parties concernées qui pourraient avoir un intérêt dans la divulgation d’une partie des renseignements contenus dans les documents pour les inviter à formuler des observations.

 

Le canton a indiqué qu’il ne déposerait pas d’observations en réponse à l’avis d’enquête. L’ingénieur qui a rédigé le PGEN a fourni de brèves observations et a soutenu que ces ententes sont privées et qu’il n’y a aucune raison de les divulguer. Deux des six autres parties concernées ont fourni des observations en réponse à l’avis d’enquête. La partie concernée 1, l’auteur de la demande de permis de construire, a demandé la divulgation de tous les renseignements. La partie concernée 4 s’est opposée à la divulgation de renseignements la concernant. Les parties concernées 2, 5 et 6 n’ont pas répondu à l’avis d’enquête. Pour la partie concernée 3, nous disposions d’une adresse incomplète; l’avis d’enquête qui lui a été expédié nous a été renvoyé, et les autres tentatives visant à la joindre ont échoué.

 

Ensuite, j’ai envoyé une copie de l’avis d’enquête à l’appelant, en joignant un résumé des observations de l’ingénieur et une copie des observations plus détaillées de la partie concernée 1. L’appelant a présenté des observations par la suite.

 

Un examen révèle que les documents pourraient contenir des renseignements qui représentent des renseignements personnels dont la divulgation pourrait constituer une atteinte injustifiée à la vie privée au sens au paragraphe 14 (1). Comme l’exception prévue à ce paragraphe est obligatoire, je fournis une analyse de son application aux documents en cause à la fin de mon exposé plus loin.

 

DOCUMENTS OU QUESTIONS

 

Il faudra répondre aux trois questions suivantes dans cet appel :

 

    Une copie du permis de construire lui-même est-elle visée par la demande de l’appelant?

 

    L’exception obligatoire du paragraphe 10 (1) (renseignements de tiers) s’applique-t-elle à la demande de permis de construire ou au PGEN, ou aux deux?

 

    L’exception obligatoire du paragraphe 14 (1) (vie privée) s’applique-t-elle aux parties des documents susmentionnés qui ont été exclus?

 

EXPOSÉ

 

Portée de la demande

 

L’article 17 de la Loi impose certaines obligations aux auteurs de demande et aux institutions en ce qui a trait aux demandes d’accès à des documents. Ainsi :

 

(1)        L’auteur de la demande d’accès à un document 

 

a)         s’adresse par écrit à l’institution qui, à son avis, a la garde ou le contrôle du document;

 

b)         fournit les détails suffisants permettant à un employé expérimenté de l’institution, à la suite d’une démarche normale, d’identifier le document;

. . . . .

 

(2)        Dans le cas d’insuffisance de la description du document requis, l’institution en avise l’auteur de la demande et lui fournit l’aide nécessaire afin de formuler celle-ci à nouveau et de la rendre conforme au paragraphe (1).

 

La demande de l’appelant est libellée comme suit :

 

            [Traduction]

 

Dans votre télécopie du [date], nous apprenons que le conseil a refusé à deux résidents, [nom] et [nom], des copies de la demande complète de permis de construire pour les porcheries que [nom] est en train de construire, y compris le plan de gestion des éléments nutritifs. [Les italiques sont de moi.]

...

 

Nous demandons maintenant au canton de nous fournir les renseignements qu’il a refusé de divulguer à ces deux résidents…

 

L’appelant soutient que le canton n’a pas répondu adéquatement à sa demande. Il affirme que le canton s’est prononcé sur l’accès à la demande de permis de construire et au PGEN, mais pas sur l’accès au permis de construire lui-même. Il est d’avis que ce permis faisait partie des documents qu’il voulait obtenir aux termes de sa demande. Le canton, par contre, soutient que le permis de construire lui-même échappe à la portée de la demande.

 

Ni l’appelant ni le canton n’ont présenté d’observations sur la question de savoir si le permis de construire est visé ou non par la demande de l’appelant.

 

Le CIPVP, dans ses ordonnances, a déjà établi que lorsque la demande est générale ou vague, l’institution a l’obligation, en vertu du paragraphe 17 (2), de contribuer à en clarifier la portée. D’après des ordonnances déjà rendues, l’institution doit faire une interprétation libérale de la demande pour se conformer à l’esprit de la Loi. En règle générale, en cas d’ambiguïté dans la demande, l’interprétation devrait être favorable à son auteur [ordonnances P-134 et P-880].

 

À mon avis, il n’existe en l’espèce aucune incertitude ni ambiguïté concernant les documents que l’appelant demande, et le permis de construire n’en fait pas partie. L’appelant a affirmé qu’il demande l’accès à la « demande complète de permis de construire » pour l’exploitation porcine en question, « y compris le plan de gestion des éléments nutritifs ». Comme la demande n’est ni générale ni vague, et qu’elle est au contraire plutôt précise, mentionnant des renseignements qu’un autre particulier avait demandés et dont le canton avait refusé la divulgation, je considère qu’il était raisonnable pour le canton de supposer que la demande décrivait de façon suffisante les documents demandés, et que l’obligation énoncée au paragraphe 17 (2) ne s’appliquait pas.

 

En outre, d’après moi, même si l’on interprétait la demande de l’appelant de façon libérale, on ne pourrait conclure qu’elle s’applique au permis de construire lui-même. À mon avis, il est raisonnable de croire qu’une demande portant sur « la demande complète de permis de construire, y compris le PGEN » vise la formule complète de demande de permis de construire ainsi que tous les renseignements à l’appui soumis par l’auteur de demande. Cependant, je ne crois pas que la demande, telle qu’elle a été formulée, s’applique nécessairement à tous les renseignements que le canton a recueillis pour évaluer la demande, y compris les documents permettant de déterminer si celle-ci a été approuvée ou non. Accepter que le permis de construire lui-même soit visé par la demande reviendrait à élargir celle-ci au-delà de toute interprétation raisonnable qu’on pourrait lui donner.

 

Je n’accepte donc pas le point de vue de l’appelant selon lequel le permis de construire en question est visé par sa demande. À mon avis, sa demande était claire, et la réponse du canton était appropriée. Par conséquent, je considère que le permis de construire lui-même n’est pas visé par la demande et je rejette cette partie de l’appel.

 

Malgré cette décision, l’appelant a toujours la possibilité de demander l’accès au permis de construire en présentant une autre demande.

 

RENSEIGNEMENTS DE TIERS

 

Le paragraphe 10 (1) est libellé comme suit :

 

La personne responsable refuse de divulguer un document qui révèle un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou qui ont trait aux relations de travail, dont le caractère confidentiel est implicite ou explicite, s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation ait pour effet, selon le cas :

 

a)         de nuire gravement à la situation concurrentielle ou d’entraver gravement les négociations contractuelles ou autres d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation;

 

b)         d’interrompre la communication de renseignements semblables à l’institution, alors qu’il serait dans l’intérêt public que cette communication se poursuive;

 

c)         de causer des pertes ou des profits indus à une personne, un groupe de personnes, un comité, une institution ou un organisme financiers;

 

d)         de divulguer des renseignements fournis à un conciliateur, un médiateur, un agent des relations de travail ou une autre personne nommée pour régler un conflit de relations de travail, ou de divulguer le rapport de l’une de ces personnes.

 

Le paragraphe 10 (1) est conçu pour protéger les « fonds de renseignements » confidentiels des entreprises ou d’autres organismes qui fournissent des renseignements aux institutions gouvernementales [Boeing Co. v. Ontario (Ministry of Economic Development and Trade), [2005] O.J. No. 2851 (Div. Ct.)]. Ct.)]. Bien qu’un des principaux objets de la Loi consiste à mettre en lumière les activités du gouvernement, le paragraphe 10 (1) limite la divulgation à des tiers de renseignements confidentiels qui pourraient être exploités par un concurrent sur le marché [ordonnances PO-1805, PO-2018, PO-2184, MO-1706].

 

Pour que le paragraphe 10 (1) s’applique, l’institution ou le tiers doit respecter chacun des trois éléments du critère suivant :

 

1.         Le document doit révéler un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou qui ont trait aux relations de travail;

 

2.         Les renseignements doivent avoir été fournis à l’institution à titre confidentiel, implicitement ou explicitement;

 

3.         La divulgation du document aurait pour effet probable de causer l’un des préjudices énoncés aux alinéas 10 (1) a), b), c) ou d).

 

Premier élément : types de renseignements

 

Pour que le paragraphe 10 (1) s’applique, les renseignements contenus dans les documents doivent être d’au moins l’un des types énumérés à cette disposition.

 

Les types de renseignements énumérés au paragraphe 10 (1) ont été abordés dans des ordonnances antérieures. Ceux qui pourraient s’appliquer en l’espèce ont été définis comme suit :

 

            [Traduction]

Un « secret commercial » s’entend de renseignements comprenant notamment une formule, un motif, une compilation, un programme, une méthode, une technique, ou un procédé, ou de renseignements contenus dans un dispositif ou un mécanisme qui

 

(i)         sert ou peut servir dans le commerce ou les affaires,

 

(ii)        n’est pas de notoriété publique dans le monde des affaires,

 

(iii)       possède une valeur économique du fait de sa faible notoriété publique,

 

(iv)       fait l’objet d’efforts raisonnables dans les circonstances pour qu’il reste secret [ordonnance PO-2010].

 

Les « renseignements d’ordre scientifique » sont des renseignements qui appartiennent à un domaine structuré de connaissances en sciences naturelles, biologiques ou sociales ou en mathématiques. En outre, pour que des renseignements soient considérés comme des renseignements d’ordre scientifique, ils doivent se rapporter à l’observation et à la vérification d’hypothèses ou de conclusions précises et doivent être le fruit du travail de spécialistes du domaine [ordonnance PO-2010].

 

Les « renseignements d’ordre technique » sont des renseignements qui appartiennent à un domaine structuré de connaissances qui entrent dans les catégories générales des sciences appliquées ou des arts mécaniques, par exemple, l’architecture, le génie ou l’électronique. Certes, il est difficile de définir avec précision ce que sont des renseignements d’ordre technique, mais on peut dire qu’ils font intervenir des renseignements préparés par un spécialiste du domaine et décrivent la construction, le fonctionnement ou l’entretien d’une structure, d’un procédé, d’un appareil ou d’une chose [ordonnance PO-2010].

 

Les « renseignements d’ordre commercial » désignent les renseignements qui se rapportent uniquement à l’achat, à la vente ou à l’échange de biens ou de services. L’expression peut s’appliquer aux entreprises à but lucratif aussi bien qu’aux organismes sans but lucratif, quelle que soit leur taille [ordonnance PO-2010]. Le fait qu’un document a une valeur monétaire réelle ou potentielle ne signifie pas nécessairement qu’il contient des renseignements d’ordre commercial [ordonnance P-1621].

 

Les « renseignements d’ordre financier » désignent les renseignements qui ont trait à l’argent et à son utilisation ou à sa distribution. Ces renseignements doivent contenir ou mentionner des données précises. Il peut s’agir, par exemple, d’une méthode de comptabilité des prix de revient, d’un mode de fixation des prix ou de données sur les résultats, les frais généraux et les coûts d’exploitation [ordonnance PO-2010].

 

J’adopte ces définitions aux fins du présent appel.

 

L’ingénieur qui a élaboré le PGEN n’a fait aucune observation précise concernant le type de renseignements contenus dans les documents en cause, mais d’après ses observations, il est d’avis qu’ils contiennent au moins des secrets industriels et des renseignements d’ordre financier. Il affirme que les dessins d’exécution ou les dessins techniques décrivent une nouvelle technique de construction et que le PGEN contient des renseignements sur des ententes conclues entre diverses parties concernées.

 

La partie concernée qui s’est opposée à la divulgation des renseignements, et qui est un voisin, a déclaré simplement que les documents contiennent des « renseignements privés d’ordre financier ».

 

La partie concernée au nom de laquelle la demande de permis de construire a été déposée et pour qui le PGEN a été préparé appuie la divulgation des renseignements en cause. Elle a déclaré :

 

            [Traduction]

Comme je n’ai vu ni la porcherie construite ni les plans, je ne peux affirmer avec certitude qu’aucun « secret industriel » n’est en cause. Cependant, comme il s’agit d’une exploitation porcine semblable aux centaines que j’ai déjà construites, je ne peux imaginer qu’il y ait de tels secrets industriels dans les circonstances, ni qu’il y ait des renseignements uniques d’ordre scientifique, commercial ou financier.  Le fonctionnement de ces porcheries est bien connu; il peut y avoir de légères variations d’une porcherie à une autre, mais elles sont construites selon des plans qui sont aussi bien connus. Je dispose de renseignements sur des contrats et des plans de gestion des éléments nutritifs concernant d’autres porcheries, et ces renseignements ont été largement diffusés.

 

L’appelant répond qu’il n’est pas intéressé à découvrir des secrets industriels, mais qu’il croit que les documents contiennent des renseignements publics qui devraient être divulgués.

 

Comme nous l’avons souligné plus haut, le canton et les autres parties concernées n’ont pas présenté d’observations.

 

J’ai examiné les documents et je considère qu’une partie des renseignements en cause sont de l’un ou l’autre des types mentionnés au paragraphe 10 (1), mais que ce n’est pas le cas pour la totalité de ces renseignements.

 

J’aborderai pour commencer la demande de permis de construire qui a été soumise au nom de la partie concernée 1, propriétaire du terrain où doivent être construites les installations proposées pour une exploitation porcine. À mon avis, la plus grande partie de cette demande ne contient pas de renseignements des types mentionnés au paragraphe 10 (1) de la Loi. Il s’agit d’une formule standard remplie, qui contient des renseignements très généraux sur les installations que l’auteur de la demande veut avoir l’autorisation de construire. À plusieurs endroits dans la demande, il est également indiqué de consulter le PGEN pour obtenir des précisions. La seule partie de la demande qui contient des renseignements des types mentionnés au paragraphe 10 (1) est celle qui décrit le coût estimatif de construction des installations proposées. Je juge que seule cette partie de la demande de permis de construire contient des renseignements d’ordre financier et répond donc au premier élément du critère d’application du paragraphe 10 (1).

 

Je considère que le reste des renseignements contenus dans la demande de permis de construire ne répond pas au premier élément du critère. Étant donné que les trois éléments du critère prévu au paragraphe 10 (1) doivent s’appliquer, le reste des renseignements figurant dans la demande n’est pas visé par une exception en vertu de cette disposition.

 

Le PGEN a été préparé par un ingénieur, un spécialiste du domaine, et contient des renseignements comme des plans d’implantation et des cartes du bien-fonds et du secteur, des dessins d’exécution ou dessins techniques des porcheries proposées et d’autres installations connexes, des schémas décrivant les plans de drainage pour le bien-fonds et les biens-fonds adjacents, et les résultats d’évaluations des éléments nutritifs et d’analyses du sol. Le PGEN contient également un contrat de vente pour les parties du bien-fonds visées par le permis de construire où doit se trouver la ferme porcine.

 

Bien qu’à mon avis, je n’aie pas reçu assez d’indications pour déterminer si une partie de ces renseignements pourrait constituer un secret industriel, je considère qu’une bonne partie des renseignements contenus dans le PGEN représentent des renseignements d’ordre technique ou scientifique. Certains renseignements sont également d’ordre financier, c’est-à-dire ceux qui portent sur le contrat de vente pour une partie du bien-fonds où seront construites les porcheries. En outre, bien qu’aucune partie n’ait soulevé cet aspect, je crois que le PGEN contient des renseignements d’ordre commercial, car il comprend un plan d’exploitation d’une entreprise commerciale.

 

D’après mes constatations, le premier élément du critère d’application du paragraphe 10 (1) est respecté pour ce qui est de la partie de la demande de permis de construire qui indique le coût estimatif des bâtiments proposés. Je considère également qu’il est respecté pour l’ensemble du PGEN. Je vais maintenant déterminer si ces renseignements répondent aux exigences du deuxième élément du critère d’application du paragraphe 10 (1).

 

Bien qu’aucune autre exception n’ait été invoquée pour ces documents, mon examen du permis de construire et du PGEN indique qu’ils pourraient contenir des renseignements personnels visés par l’exception prévue au paragraphe 14 (1). Comme cette exception est obligatoire, j’envisage l’application possible du paragraphe 14 (1) ci-dessous.

 

Deuxième élément : renseignements fournis à titre confidentiel

 

Pour respecter le deuxième élément du critère, une des parties concernées doit avoir « fourni » à la ville des renseignements dont le caractère confidentiel est implicite ou explicite.

 

Renseignements « fournis »

 

L’exigence de montrer que les renseignements ont été « fournis » (« supplied » dans le libellé anglais de la Loi) reflète l’objet du paragraphe 10 (1) de protéger les fonds de renseignements de tiers [ordonnance MO-1706].

 

Les renseignements peuvent considérés comme ayant été « fournis » s’ils ont été fournis directement à une institution par un tiers, ou si leur divulgation permettait de tirer des conclusions précises concernant les renseignements réellement fournis à l’institution par un tiers [ordonnances PO-2020, PO-2043].

 

D’après mon examen des documents en cause, je considère que les renseignements qu’ils contiennent ont été fournis au canton par des tiers, plus précisément la partie concernée 1, qui est le propriétaire au nom duquel la demande de permis de construire a été soumise. Je considère également que le PGEN a été fourni au canton par l’ingénieur qui agissait au nom de la partie concernée 1 et qui a préparé le PGEN qui accompagnait la demande de permis de construire.

 

L’ingénieur a fourni lui-même certains renseignements contenus dans le PGEN. D’autres, cependant, notamment les analyses du sol, proviennent d’experts en agriculture à qui l’ingénieur a fait appel au nom du propriétaire pour respecter les exigences du PGEN. L’ingénieur a réuni ces renseignements au moment de rédiger le PGEN. Je considère que tous les renseignements contenus dans le PGEN ont été fournis au canton par la partie concernée 1, par l’entremise de l’ingénieur, au sens du paragraphe 10 (1).

 

En ce qui concerne le coût estimatif de construction que l’auteur de la demande de permis de construire a indiqué dans sa demande, je considère que de toute évidence, ce renseignement a également été fourni au canton au sens du paragraphe 10 (1).

 

Caractère confidentiel

 

En ce qui concerne le caractère confidentiel des renseignements, le deuxième élément du critère exige que les parties qui s’opposent à la divulgation démontrent que le fournisseur avait des attentes raisonnables en matière de confidentialité, qu’elles soient implicites ou explicites, au moment où les renseignements ont été fournis. Ces attentes doivent être raisonnables et s’appuyer sur des critères objectifs [ordonnance PO-2020].

 

Pour déterminer si le caractère confidentiel attendu repose sur des motifs raisonnables et objectifs, il est nécessaire d’examiner toutes les circonstances de l’affaire, et notamment de vérifier si les renseignements :

 

           ont été communiqués à l’institution à titre confidentiel et devaient demeurer confidentiels;

 

           ont été traités constamment d’une manière qui montre que la partie concernée voulait qu’ils soient protégés contre la divulgation avant de les communiquer à l’organisme gouvernemental;

 

           ne sont pas disponibles auprès d’autres sources auxquelles le public a accès;

 

           ont été préparés à une fin qui ne comprend pas la divulgation [ordonnance PO-2043].

 

J’ai reçu des observations très limitées sur la question de savoir si les renseignements en cause qui sont contenus dans la demande de permis de construire et le PGEN et qui ont été « fournis » au canton avaient un caractère confidentiel. Le canton n’a fourni aucune observation à ce sujet. L’appelant soutient, en des termes très généraux, que les renseignements en cause sont des renseignements publics qui devraient être divulgués. La partie concernée 1, qui est en faveur de la divulgation de ces renseignements, affirme ne disposer d’aucune indication qui porterait à croire que les renseignements étaient « suffisamment originaux et extraordinaires pour le canton pour que ce dernier soit justifié d’en préserver la confidentialité à tout prix », mais elle soutient ne pas connaître les attentes de l’entreprise qui a construit l’exploitation porcine.

 

Les observations les plus pertinentes sur la question de savoir si les renseignements fournis avaient un caractère confidentiel ont été formulées par l’ingénieur qui a dressé le PGEN. Elles sont brèves, mais selon elles, les renseignements fournis dans le PGEN devraient être protégés. Plus précisément, l’ingénieur soutient qu’il s’attendait à ce que les plans d’exécution ou plans techniques qu’il élaborait, et qui décrivent en détail les diverses composantes de l’établissement, particulièrement les porcheries et la citerne à lisier, demeurent confidentiels. Il affirme que ces dessins sont très précis et détaillés, et qu’il voulait préserver leur caractère confidentiel. Il ajoute que cette attente était partagée par l’entreprise qui a construit et exploite maintenant les installations porcines.

 

L’ingénieur soutient également que le PGEN contient des ententes entre diverses parties concernées qui sont de nature privée et qu’il n’y a aucune raison de les rendre publiques.

 

D’après les observations de l’ingénieur qui les a préparés, je suis persuadée que les renseignements détaillés qui ont été fournis et qui sont contenus dans les dessins techniques qui décrivent chacune des structures proposées qui composent l’exploitation porcine ont un caractère confidentiel implicite. Je suis également convaincue qu’il était raisonnable dans les circonstances pour l’ingénieur de s’attendre à ce que son travail technique détaillé demeure confidentiel, car cela était dans son intérêt.

 

Cependant, je ne crois pas que ce caractère confidentiel s’applique aux autres parties du PGEN, y compris les plans d’implantation et les cartes qui décrivent en détail le bien-fonds en question. À mon avis, les parties qui s’opposent à la divulgation ne m’ont pas fourni des indications assez détaillées pour me permettre de conclure que ces renseignements ont été fournis au canton à titre confidentiel. Les parties ne m’ont pas indiqué comment ces renseignements ont été traités avant d’être fournis au canton, comment le canton les a traités après les avoir reçus, s’ils sont ou non disponibles d’autres sources accessibles au public ou s’ils ont été préparés ou non à une fin qui interdirait leur divulgation. En l’absence de preuve détaillée et convaincante, je considère que les parties n’ont pas respecté les exigences du deuxième élément du critère d’application du paragraphe 10 (1) pour ce qui est de ces renseignements.

 

Par conséquent, je considère que les dessins d’exécution ou dessins techniques décrivant les porcheries et la citerne à lisier répondent aux exigences de la deuxième partie du critère d’application du paragraphe 10 (1). Je vais maintenant déterminer si on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation de ces renseignements entraîne l’un ou l’autre des préjudices énumérés au paragraphe 10 (1).

 

J’ai établi que le deuxième élément du critère d’application du paragraphe 10 (1) n’avait pas été respecté pour les autres renseignements contenus dans la demande de permis de construire et le PGEN. Comme les trois éléments de ce critère doivent être respectés pour que s’applique l’exception prévue au paragraphe 10 (1), je n’ai pas besoin d’envisager la question des préjudices auxquels il serait raisonnable de s’attendre. Je le ferai cependant par souci d’exhaustivité.

 

Troisième élément : préjudices

 

Pour répondre au troisième élément du critère du paragraphe 10 (1), le canton ou le tiers doit fournir des preuves détaillées et convaincantes démontrant que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation cause un préjudice. Il ne suffit pas de démontrer la possibilité d’un préjudice [Ontario (Workers’ Compensation Board) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (1998), 41 O.R. (3d) 464 (C.A.)].

 

Même si une partie qui s’oppose à la divulgation ne fournit pas une preuve détaillée et convaincante pour justifier l’application d’une exception, celle-ci peut quand même s’appliquer dans la mesure où d’autres indications témoignent d’un préjudice éventuel. Cependant, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’une telle décision pourrait être motivée par des facteurs autres que les documents en cause et les éléments de preuve fournis par une partie sur qui repose le fardeau de la preuve [ordonnance PO-2020].

 

Comme pour le deuxième élément du critère, les parties ont fourni des observations très limitées sur la question de savoir si on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des renseignements contenus dans la demande de permis de construire et le PGEN cause l’un ou l’autre des préjudices figurant au paragraphe 10 (1). La partie concernée 1, qui appuie la divulgation des renseignements, a soutenu qu’il n’y aurait aucune atteinte à la position concurrentielle de l’entreprise qui a construit l’exploitation porcine. Elle affirme également qu’aucun des autres préjudices énumérés au 10 (1) n’est susceptible de se produire.

 

En ce qui concerne les dessins d’exécution ou les dessins techniques pour les porcheries et la citerne à lisier, l’ingénieur qui les a préparés soutient que la divulgation des renseignements qu’ils contiennent entraînerait la révélation de renseignements d’ordre technique qui nuirait gravement à sa situation concurrentielle et à celle de l’entreprise qui a construit l’installation et qui l’exploite actuellement. Il est d’avis que ces dessins décrivent une nouvelle technique de construction de telles installations, et que la divulgation de ces renseignements permettrait à des ingénieurs concurrents et aux autres exploitations porcines de les acquérir gratuitement et sans effort et de les utiliser pour lui faire concurrence et faire concurrence aux propriétaires de l’exploitation porcine.

 

En ce qui concerne les dessins d’exécution, je considère qu’on m’a fourni la preuve de préjudice détaillée et convaincante qu’il faut pour respecter le troisième élément du critère d’application de cette exception. Je reconnais que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation de ces dessins porte atteinte à la situation concurrentielle de l’ingénieur. Les techniques et méthodes de construction qui y sont décrites seraient précieuses pour les autres membres de l’industrie, et les sociétés d’ingénierie telles que celle à laquelle l’ingénieur est affilié les protègent jalousement. Je considère que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des dessins d’exécution des porcheries et de la citerne à lisier porte atteinte à la situation concurrentielle de l’ingénieur qui les a réalisés.

 

Comme les trois éléments du critère d’application du paragraphe 10 (1) sont respectés en ce qui concerne les dessins d’exécution qui décrivent les porcheries et la citerne à lisier, je juge que les renseignements que contiennent ces dessins, conformément au paragraphe 10 (1), peuvent être soustraits à l’obligation de divulgation.

 

Pour ce qui est des autres renseignements qui ne respectent pas le deuxième élément du critère, je considère que le canton et les parties concernées, y compris le propriétaire du bien-fonds et l’ingénieur qui a élaboré le PGEN, n’ont pas fourni la preuve détaillée et convaincante nécessaire pour qu’il soit raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation de ces renseignements (le coût estimatif du projet de construction indiqué dans la demande de permis de construire et les renseignements contenus dans le PGEN à l’exception des dessins d’exécution) entraîne l’un ou l’autre des préjudices énumérés au paragraphe 10 (1).

 

Je ne suis pas convaincue que l’on puisse raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des renseignements qui restent dans chacun des documents porte atteinte à la situation concurrentielle de l’une ou l’autre des parties concernées [alinéa 10 (1) a)], cause des pertes ou des profits indus à une partie [alinéa 10 (1) c)] ou entraîne l’un ou l’autre des autres préjudices mentionnés au paragraphe 10 (1).

 

Le canton a invoqué le paragraphe 10 (1) pour empêcher la divulgation du PGEN, mais n’a soumis aucune observation pour étayer son assertion selon laquelle cette divulgation porterait gravement atteinte à la situation concurrentielle des propriétaires de l’exploitation agricole ou leur causerait des pertes indues.

 

Pour conclure, le canton et les parties concernées ne m’ont pas fourni une preuve suffisante pour déterminer qu’en l’espèce, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que les renseignements contenus dans la demande de permis de construire ainsi que le reste des renseignements contenus dans le PGEN cause l’un ou l’autre des préjudices énoncés au paragraphe 10 (1). Par conséquent, la divulgation des renseignements contenus dans le PGEN, sauf les dessins d’exécution ou les dessins techniques décrits plus haut, ne peut être refusée en vertu du paragraphe 10 (1).

 

Bien qu’aucune autre exception n’ait été invoquée pour ces documents, comme il est indiqué plus haut, mon examen de ces documents a révélé des renseignements qui pourraient constituer des renseignements personnels et être visés par l’exception du paragraphe 14 (1). Comme il s’agit d’une exception obligatoire, je poursuivrai mon analyse pour déterminer si les renseignements qui ne font pas l’objet de l’exception prévue au paragraphe 10 (1) sont des renseignements personnels qui servaient visés par l’exception énoncée au paragraphe 14 (1).

 

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

 

D’après mon examen des documents en cause, il semble que ceux-ci pourraient contenir des renseignements qui représentent des « renseignements personnels » au sens du paragraphe 2 (1) de la Loi. Si un document contient des « renseignements personnels », il faut déterminer si l’exception obligatoire fondée sur la vie privée du paragraphe 14 (1) s’applique pour soustraire ces renseignements à la divulgation.

 

Au paragraphe 2 (1) de la Loi, l’expression « renseignements personnels » est définie notamment comme étant des renseignements consignés ayant trait à un particulier pouvant être identifié, y compris des renseignements reliés à sa participation à une opération financière [alinéa b)] ainsi que son adresse et son numéro de téléphone [alinéa d)].

 

Pour être considérés comme des renseignements personnels, les renseignements doivent concerner le particulier à titre personnel. En règle générale, les renseignements associés à un particulier dans un contexte professionnel, officiel ou commercial ne sont pas considérés comme étant des renseignements « ayant trait » à un particulier [ordonnances P-257, P-427, P-1412, P‑1621, R-980015, MO-1550-F et PO-2225].

 

Cependant, si les renseignements concernent les aspects professionnels, officiels ou commerciaux d’une personne, ils peuvent tout de même être considérés comme des renseignements personnels s’ils dévoilent une ou des choses de nature personnelle concernant la personne [ordonnances P-1409, R-980015 et PO-2225].

 

Dans son ordonnance PO-2225, l’ancien commissaire adjoint Tom Mitchinson a examiné la signification de l’expression « renseignements personnels » et son application à des renseignements portant sur des particuliers qui se livrent à des activités commerciales. Pour déterminer si ces renseignements « ont trait » à un particulier, comme l’indique le paragraphe 2 (1), le commissaire adjoint a posé les questions suivantes :

 

    Dans quel contexte le nom des particuliers figure-t-il? Ce contexte est-il fondamentalement personnel, ou est-il commercial, personnel ou officiel et s’écarte-t-il de la sphère personnelle?

 

    Même si les renseignements semblent se trouver dans un contexte commercial, leur divulgation révélerait-elle quelque chose de fondamentalement personnel?

 

Le commissaire adjoint a appliqué ces questions aux circonstances qu’il était appelé à trancher, et a jugé que les renseignements concernant des locateurs qui avaient des arriérés d’amendes, de droits ou de coûts à verser au Tribunal du logement de l’Ontario n’étaient pas des renseignements personnels qui les concernaient. Il a décrit son raisonnement en ces termes :

 

            [Traduction]

 

[…] une personne qui loue des locaux à un locataire en contrepartie d’un loyer évolue dans la sphère commerciale. Le locateur a conclu une entente commerciale pour gagner des revenus ou augmenter la valeur de biens immobiliers. Les revenus et les dépenses d’un locateur sont visés par des dispositions précises de la Loi de l’impôt sur le revenu, et à mon avis, le temps, les efforts et les ressources qu’une personne investit dans ce contexte ne font pas partie de la sphère personnelle, mais représentent plutôt une activité commerciale motivée par le profit.

 

...

 

Pour ce qui est du second aspect, les renseignements en cause ne révèlent pas exactement pourquoi le particulier doit de l’argent au Tribunal, et le seul fait que ce particulier soit personnellement responsable de cette dette ne représente pas, à mon avis, un renseignement personnel, étant donné que cette dette est contractée dans un contexte commercial et non personnel. Le fait que des sommes dues n’aient pas encore été complètement payées ne suffit pas non plus, à mon avis, pour faire passer ce qui représente essentiellement une dette d’entreprise dans le domaine personnel, non plus que le fait qu’une loi interdise à un locateur de déposer une demande en vertu de la Loi sur la protection des locataires.

 

Je suis d’accord avec cette analyse. Si je l’applique au présent appel, je constate que la totalité des renseignements contenus dans la demande de permis de construire et la plupart de ceux contenus dans le PGEN ne sont pas des « renseignements personnels » concernant l’une ou l’autre des parties. À mon avis, il s’agit de renseignements sur des particuliers qui agissent à des fins commerciales ou professionnelles.

 

Si l’on aborde pour commencer la demande de permis de construire, l’auteur de la demande de permis ainsi que les autres personnes dont le nom y figure et qui sont désignées comme étant l’entrepreneur et l’ingénieur ont de doute évidence présenté cette demande dans le contexte d’une activité commerciale. L’auteur de la demande veut obtenir l’autorisation de construire un certain nombre de porcheries permettant d’abriter environ 6 000 porcs et une citerne à lisier, ce qui constitue une entreprise commerciale d’envergure. Le PGEN a été rédigé à l’appui de la demande de permis de construire, et le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario devait l’approuver avant que ne soit accordé le permis de construire. Le PGEN est donc associé étroitement à cette entreprise commerciale et la décrit en détail.

 

Comme dans le cas des renseignements concernant les locateurs dont il est question dans l’ordonnance PO-2225, les parties engagées dans cette entreprise ont conclu diverses ententes commerciales pour tirer des revenus de leurs activités agricoles. Les revenus et les dépenses des propriétaires sont considérés comme des revenus et dépenses d’entreprise au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu et, à mon avis, le temps, les efforts et les ressources que les propriétaires investissent dans ce contexte échappent à la sphère personnelle et représentent une activité commerciale motivée par le profit.

 

À mon avis, une section du PGEN mérite une attention particulière. Les alinéas 4 a), b) et c) décrivent un certain nombre de contrats de vente conclus entre certaines parties engagées dans cette entreprise. Tel qu’indiqué plus haut, l’auteur de la demande de permis de construire a par la suite vendu son permis, de même qu’une partie de son terrain, à l’entreprise qui construit actuellement les porcheries. Cette entreprise a également acheté des terres d’un voisin, la partie concernée 2, pour aménager la nouvelle exploitation. Les contrats de vente qui régissent cet échange de terres sont rédigés à la main mais précisent les sommes à verser à l’acheteur et d’autres conditions de vente. On pourrait soutenir que la divulgation du contenu de ces contrats de vente révélerait des activités et des opérations financières personnelles des propriétaires Cependant, après examen du PGEN et de ces contrats, je considère que ces opérations ont un but strictement commercial. Elles s’appliquent à une partie seulement des terres qui appartiennent aux vendeurs, et les documents ne contiennent pas de renseignements assez détaillés pour révéler les finances personnelles des propriétaires, y compris leur avoir net et leur capacité financière.

 

Je tiens également à souligner que certains particuliers mentionnés dans les documents pourraient, il est vrai, exploiter ce que l’on pourrait appeler une « ferme familiale », mais que cette constatation n’influe pas sur ma décision. Fondamentalement, les exploitations agricoles, sans égard à leur taille, évoluent dans la même « sphère commerciale », bien qu’à une échelle différente. Comme l’arbitre Laurel Cropley l’a souligné dans l’ordonnance MO-1562, la distinction entre une activité personnelle et commerciale ne repose pas sur l’envergure de cette activité. Même si je tenais pour acquis que l’un ou l’autre des particuliers concernés était propriétaire d’une petite exploitation, ce qui n’est certainement pas le cas de l’entreprise qui construit les porcheries, ces particuliers, à mon avis, ont décidé de leur plein gré d’évoluer dans la sphère commerciale, et il va de soi que les activités associées à l’exploitation de leur entreprise agricole sont fondamentalement commerciales et non personnelles.

 

Tel qu’indiqué dans l’ordonnance PO-2225, l’analyse ne doit pas se limiter à une évaluation du contexte dans lequel apparaît le nom des particuliers. Je dois également me demander si les renseignements en cause sont d’une nature telle que s’ils étaient divulgués, ils révéleraient des données personnelles sur les particuliers.

 

Après un examen approfondi des documents, je considère que rien dans la demande de permis de construire ne permettrait aux renseignements de passer dans la sphère personnelle. Pour ce qui est du PGEN, je considère que même si certains renseignements qu’il contient font partie de la sphère personnelle et représentent des « renseignements personnels » au sens de la Loi, la plus grande partie de son contenu ne révèle rien de personnel sur les particuliers dont le nom y figure.

 

Les seuls renseignements qui, à mon avis, passent dans la sphère personnelle pour constituer des « renseignements personnels » au sens de la Loi sont les numéros de téléphone à la maison de deux des parties concernées. L’article 2 du PGEN décrit un plan d’urgence en cas de déversement, et le paragraphe 2 (6) donne les coordonnées de personnes à qui s’adresser en cas d’urgence, y compris leur numéro de téléphone. Dans le cas des deux premières personnes figurant dans cette liste, le numéro de téléphone à la maison est également fourni, et l’un de ces deux numéros a été écrit à la main au haut de la page couverture du PGEN avec le nom de la partie concernée. Je reconnais que les numéros de téléphone à la maison sont des renseignements personnels concernant ces particuliers au sens de l’alinéa 2 (1) d) de la Loi. Par conséquent, en ce qui concerne les numéros de téléphone à la maison qui figurent dans le PGEN, il me reste à déterminer si le paragraphe 14 (1) s’applique pour en empêcher la divulgation.

 

ATTEINTE INJUSTIFIÉE À LA VIE PRIVÉE

 

Lorsque l’auteur de la demande veut obtenir des renseignements personnels sur un autre particulier, le paragraphe 14 (1) en interdit la divulgation à moins que ne s’applique l’une des exceptions prévues aux alinéas 14 (1) a) à f). La seule exception qui pourrait s’appliquer en l’espèce est énoncée à l’alinéa 14 (1) f) :

 

La personne responsable ne divulgue des renseignements personnels qu’au particulier concerné par ceux-ci, sauf :

 

[si] la divulgation ne constitue pas une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

Les facteurs et les présomptions prévus aux paragraphes 14 (2), (3) et (4) permettent de déterminer plus facilement si la divulgation constitue ou non une atteinte injustifiée à la vie privée en vertu de l’alinéa 14 (1) f). Le paragraphe 14 (2) donne des critères que l’institution doit envisager dans ce but, et le paragraphe 14 (3) énumère les types de renseignements dont la divulgation est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

La Cour divisionnaire a jugé que la présomption interdisant la divulgation en vertu du paragraphe 14 (3), une fois établie, ne peut être annulée par l’un ou l’autre des facteurs énoncés au paragraphe 14 (2). Par contre, il peut être justifié de divulguer des renseignements personnels visés par le paragraphe 14 (3) si ces renseignements sont également visés par le paragraphe 14 (4) ou s’il est établi, en vertu de l’article 16, que la nécessité de divulguer le document qui contient les renseignements personnels dans l’intérêt public s’applique [John Doe v. Ontario (Information and Privacy Commissioner) (1993), 13 O.R. (3d) 767].

 

En l’espèce, je considère qu’aucune des exceptions énumérées au paragraphe 14 (4) ni aucune des présomptions énumérées au paragraphe 14 (3) ne s’appliquent.

 

Comme aucune des présomptions du paragraphe 14 (3) ne s’applique, le paragraphe 14 (2) énumère différents facteurs qui peuvent permettre de déterminer si la divulgation de renseignements personnels constitue une atteinte injustifiée à la vie privée [ordonnance P-239].

 

En l’espèce, seul l’alinéa 14 (2) h) semble pouvoir s’appliquer à la divulgation du numéro de téléphone à la maison. Cette disposition est libellée comme suit :

 

Aux fins de déterminer si la divulgation de renseignements personnels constitue une atteinte injustifiée à la vie privée, la personne responsable tient compte des circonstances pertinentes et examine notamment si 

 

le particulier visé par les renseignements personnels les a communiqués à l’institution à titre confidentiel.

 

Le facteur figurant à l’alinéa 14 (2) h) favorise la protection de la vie privée. Aucun des facteurs qui favorisent la divulgation ne semble pertinent en l’espèce. Sans déterminer le poids que l’on pourrait accorder au facteur de l’alinéa 14 (2) h), et en tenant compte à la fois du droit de l’appelant d’obtenir l’accès au numéro de téléphone à la maison de deux parties concernées ainsi que du droit de ces parties de préserver la confidentialité de ces numéros, je considère que la divulgation de ceux-ci entraînerait une atteinte injustifiée à la vie privée de ces parties. Les numéros de téléphone à la maison ne peuvent donc être divulgués en vertu du paragraphe 14 (1) de la Loi.

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

1.          Je confirme la décision du canton de ne pas divulguer les dessins d’exécution des quatre porcheries et de la citerne à lisier contenus dans le plan de gestion des éléments nutritifs.

 

2.          Je confirme la décision du canton de ne pas divulguer le numéro de téléphone à la maison des deux particuliers dont le nom figure dans la liste des personnes à qui s’adresser en cas d’urgence, au paragraphe 2 (6) du plan de gestion des éléments nutritifs, ainsi que le numéro de téléphone inscrit à la main au haut de la page couverture de ce plan.

 

3.          J’ordonne au canton de divulguer à l’appelant la demande complète de permis de construire et les renseignements contenus dans le plan de gestion des éléments nutritifs, sauf les renseignements décrits aux points 1 et 2, d’ici le 22 janvier 2007 mais pas avant le 16 janvier 2007.

 

4.          Pour vérifier la conformité à la disposition 1 de la présente ordonnance, je me réserve le droit d’obliger le canton à me remettre une copie de tous les documents divulgués à l’appelant.

 

 

 

 

 

Original Signed by :

 

Le 14 décembre 2006

Catherine Corban

Arbitre

 

 

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